Les oiseaux migrateurs une fois de plus victimes de la psychose.

Oies cendrées (Anser anser) - Crédit photo : Aurélien AudevardOies cendrées (Anser anser) - Crédit photo : Aurélien Audevard

Depuis le début du mois de novembre, des cas de grippe aviaire (H5N8) ont été rapportés dans des élevages de volailles en Allemagne, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne. Ce virus a été détecté pour la première fois sous sa forme peu contagieuse aux Etats-Unis en 2008 puis en Californie en 2014. Il a en revanche fait son apparition sous sa forme contagieuse en Asie : en janvier et en septembre 2014 en République de Corée, en avril 2014 au Japon et en octobre 2014 en Chine.

Face à cette nouvelle contamination des volailles domestiques, les oiseaux sauvages sont une fois encore incriminés comme étant les vecteurs essentiels du virus.

Grippe aviaire : qu'en est-il réellement ?

Nous savons que :

  • La grippe aviaire se développe dans un contexte particulier, à savoir : des conditions de promiscuité, de densité et de confinement des populations aviaires. Conditions que l'on retrouve dans les élevages domestiques et en particulier les élevages industriels.
  • Les souches de grippe aviaire rencontrées chez les oiseaux sauvages sont le plus souvent relativement bénignes tandis que celles rencontrées chez les oiseaux domestiques élevés en batterie dans des conditions stressantes, acquièrent un caractère hautement pathogène.
  • Du fait d'une densité de population élevée, le virus de la grippe est hautement mutagène. Ainsi, dans les unités d'élevage industriel, le virus a la capacité de muter rapidement vers des formes hautement pathogènes.

Par ailleurs, on constate des similitudes entre le contexte d'apparition du virus H5N1 en 2006 et le virus H5N8 en 2014 :

  • H5N8 émerge une fois de plus dans les pays d'Asie dont la Chine qui est le plus gros producteur mondial de volailles et le 4ème exportateur.
  • Les foyers de H5N8 concentrés se sont déclarés uniquement sur des élevages industriels qui présentent des mesures de contentions particulières.
  • Le virus H5N8 hautement pathogène décelé en Europe (notamment en Allemagne) possède une grande similitude au plan phylogénétique avec les virus H5N8 détectés en République de Corée en 2014. Ces virus coréens sont eux-mêmes issus du virus H5N8 apparus en Chine.
  • Et il n'y a aucun élément probant permettant de soupçonner l'implication des oiseaux sauvages.

Ainsi le risque que le virus sous sa forme hautement pathogène soit introduit par les oiseaux sauvages lors de leur migration hivernale est peu probable étant donné ces derniers éléments exposés et qu'à ce jour il n'a jamais été démontré que des oiseaux infectés par la forme hautement pathogène de ce virus puissent migrer.

Causes potentielles de la propagation du virus

Il est important de noter que les mouvements commerciaux partent des pays où la production est au meilleur prix (normes sanitaires inexistantes, de complaisance ou moins rigoureuses) et vers les pays où le coût de la vie et donc le prix de vente des produits est le plus élevé. Les virus suivent en général les mêmes trajets, aussi vite que les produits eux-mêmes et donc bien plus vite que les systèmes de contrôle et que les réseaux de surveillance épidémiologique, toujours perçus comme des contraintes.

Au même titre que n'importe quel organisme doué de facultés de locomotion, les oiseaux sauvages sont les hôtes idéaux pour les virus désireux d'étendre leur territoire. Toutefois quel est le niveau de leur contribution comparé à des réseaux d'échanges commerciaux qui permettent d'acheminer chaque jour des marchandises d'un point à l'autre de la planète ?

La véritable voie de contamination reste actuellement le commerce et le transport de la volaille. Comme pour le H5N1, les raisons d'émergences du H5N8 sont à rechercher dans les modes de production agricole et l'explication sur les capacités de propagation est à rechercher dans les conditions d'échanges et de transports commerciaux dans un contexte de mondialisation et d'intégration des marchés.

La LPO/BirdLife France se joint à BirdLife international et à VBN/BirdLife Pays-Bas pour demander aux autorités compétentes de développer les outils de recherche nécessaires dans le but de connaître les causes réelles de développement et de propagation du H5N8. Les oiseaux migrateurs ne doivent pas être l'occasion de détourner l'attention sur ces véritables causes, diverses sources d'introduction sont possibles et aucune voie ne doit être négligée afin d'éviter des conséquences qui seraient dramatiques notamment pour la santé animale et humaine.