Sur quelle preuve s'appuyer pour confirmer la présence d'une espèce rare lorsque la plupart de son habitat (les eaux souterraines des grottes des Balkans) est pratiquement inaccessible aux humains ?
Le « poisson humain » est le plus grand animal au monde vivant dans des grottes. Cependant, Proteus anguinus : salamandre aveugle et exclusivement aquatique, communément désignée sous le terme Olm et endémique aux Alpes dinariques, est extrêmement difficile à rencontrer.
Une réponse a récemment été fournie par la Society for Cave Biology (SCB ; Društvo za jamsko biologijo), grâce à un projet financé par le Fonds de partenariat pour les écosystèmes critiques (CEPF). Il a mis à jour la première preuve physique de la présence de l'espèce au Monténégro, en utilisant de nouvelles méthodes pour échantillonner son ADN.
Dans cette région, des activités telles que le prélèvement d'eau, la mise en place de barrages sur des rivières et l'agriculture ont accentué la pression sur Proteus et d'autres animaux des grottes aquatiques. Les habitats des roches calcaires comme les grottes sont complexes, les processus naturels ayant mené à leur formation s'étendant sur des millions d'années. Un seul faux-pas étant susceptible d'anéantir toute une espèce, des mesures doivent donc être prises de toute urgence afin de les protéger.
Proteus est classée comme vulnérable par l'UICN sur sa Liste Rouge des Espèces Menacées, et est même éteinte dans certaines régions, bien que l'étendue de son déclin ne puisse être estimée sans une étude rigoureuse de sa distribution. Son habitat est difficile d'accès pour les êtres humains. Le projet du CEPF avait donc pour visée de régler ce problème, en élaborant et expérimentant une méthode scientifique qui déterminerait sûrement, efficacement et précisément la présence de Proteus.
ADN environnemental (ADNe)
Les experts en recherche spéléologique (grottes et karst) de la SCB ont mis au point une solution s'appuyant sur l'ADNe. Lors du processus de renouvellement de la peau, des fragments de cellules épidermiques se détachent de Proteus et sont emportées par l'eau. L'ADN dissous dans l'eau est appelé ADN environnemental (ADNe), et la SCB a expérimenté et perfectionné cette technique précise et peu onéreuse avec succès, en vue d'identifier l'ADNe de Proteus au sein d'échantillons d'eau.
À la suite de nombreuses heures sur le terrain et de milliers de prélèvements d'eau, l'équipe de chercheurs a repéré la présence de Proteus sur de nouveaux sites au Monténégro et en Bosnie-Herzégovine. Ces résultats permettront à la SCB et ses partenaires de disposer d'une preuve pour faire appel contre des décisions. Ils pourront également conseiller les instances de préservation de la nature au Monténégro lors de l'élaboration de nécessaires mesures de protection de Proteus sur leurs territoires, ainsi que guider les plans de gestion des autorités de Bosnie-Herzégovine.
BirdLife International, ainsi que ses bureaux au Moyen-Orient et ses partenaires DOPPS/BirdLife Slovenia et la LPO, ont constitué la Regional Implementation Team (RIT) pour le Fonds de Partenariat pour les Ecosystèmes Critiques (CEPF) dans le point chaud de biodiversité (Hotspot) du bassin méditerranéen (CEPF Med).
Le CEPF (Fonds de Partenariat pour les Ecosystèmes Critiques) est une initiative conjointe de l'Agence Française de Développement (AFD), de Conservation Internationale (CI), de l'Union Européenne, du Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM), du gouvernement japonais, de la fondation John D. et Catherine T. MacArthur, et de la Banque mondiale. La Fondation MAVA apporte également son soutien pour le bassin méditerranéen. L'un des objectifs primordiaux du CEPF est de garantir que la société civile participe à la conservation de la biodiversité.
Plus d'informations sur le CEPF : www.cepf.net.
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