La LPO suit les débats au jour le jour

Abeille sauvage (Halictus scabiosae) – Crédit photo : Nicolas MacaireAbeille sauvage (Halictus scabiosae) – Crédit photo : Nicolas Macaire

Lundi 16 mars 2015, l'Assemblée Nationale a entamé l'examen du projet de loi biodiversité.

S'il est désormais flagrant que les enjeux biodiversité sont de mieux en mieux compris et portés par certains parlementaires, les débats ont aussi montré toute la difficulté de faire évoluer certains sujets à la veille des élections départementales.

Les débats ont, ainsi, montré la difficulté à traiter du sujet du statut de l'animal, l'avancée obtenue en commission développement durable sur l'extension du délit pour sévices à animal sauvage a par exemple été supprimée, malgré la défense acharnée des députés Geneviève Gaillard et Laurence Abeille (non soutenues par le gouvernement), le caractère sensible de l'animal sauvage n'a du coup pas été voté.

À noter, la quasi totalité des intervenants ont demandé l'intégration de l'ONCFS dans l'Agence de la biodiversité. Egalement, le lobby explicite des chasseurs, sans succès, contre la parité des instances.

Satisfaction : le principe de solidarité écologique a été renforcé en étant explicitement étendu aux territoires. L'auto-saisine du Comité National de la biodiversité et celle du CNPN ont été adoptées (amendement gouvernemental). Les amendements visant à affaiblir le niveau de protection que ce soit en matière d'application du triptyque « éviter, réduire, compenser » (un objectif de « pas de perte nette » a même été voté), ou en introduisant de prétendues « considérations économiques », ou encore en tentant d'affaiblir le Conseil National de Protection de la Nature, ont été repoussés. Les tentatives des députés du groupe chasse d'empêcher l'évolution du Conseil National de la Chasse et de la Faune Sauvage ont été repoussées.

Mardi 18 mars, les députés ont débattu du Titre III de la loi biodiversité, consacré à l'Agence Française de la Biodiversité (AFB).

Le groupe UMP s'est positionné en porte parole du groupe chasse de l'Assemblée et avec l'aide de députés PS, également membres du groupe chasse, ils ont mis en minorité le gouvernement et désavoué, tant la rapporteure du texte que les parlementaires de la commission du développement durable. Ainsi, la loi proposait une modification de la composition du Conseil d'Administration de l'ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) pour y faire entrer les élus des collectivités territoriales (en passant le nombre de représentants des chasseurs de 11 à 9 /sur 22 membres), cela a été supprimé. L'offensive a été manifestement orchestrée et l'alliance des députés pro-chasse de l'UMP et du PS a donné une majorité pour la défense du conservatisme cynégétique.

Parmi les dispositions votées, il faut noter

Il pourra être créé dans les outremer des délégations territoriales de l'AFB en lien avec les collectivités et avec une liberté dans la forme juridique possible (il est probable que cette ouverture aux territoires outremer puisse être appliquée en métropole, mais à vérifier).

La composition du Conseil d'Administration de l'AFB a été modifiée, passant de 39 à 45 par création d'un collège pour les outremer et d'un poste pour les élus de montagne (les autres demandes d'extension ont été rejetées). Si le fait de donner une place aux outremer ne fait pas débat, on est en train de créer un conseil d'administration pléthorique (et qui pourtant laissera quand même des gens dehors)… nous regrettons que la proposition des ONG de faire du Conseil National de la Biodiversité le conseil des parties prenantes de l'AFB n'ait pas été retenue, cela aurait permis que tout le monde soit associé à la gouvernance politique de l'Agence tout en gardant un Conseil d'Administration réduit pour les aspects administratifs.

Plusieurs précisions apportées dans les missions de l'AFB, sans que cela apporte de grosses modifications au projet. À noter l'ajout d'une mission pour la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, sur le suivi des liens climat/biodiversité, et des précisions liées au génie écologique, aux missions en lien avec l'économie et à la coordination pour l'international.

Le gouvernement a annoncé la création d'un dispositif de suivi de la compensation (géo-portail public).

Mercredi 19 mars : suite de l'article III sur l'agence et le Titre IV sur l'APA (Accès et Partage des Avantages).

La création de l'Agence française pour la biodiversité, initialement fixée au 1er janvier 2015, est reportée au 1er janvier 2016, et ce afin de tenir compte du calendrier de vote de la loi et de la publication du décret constitutif (amendement n°1475 du Gouvernement)

Une modification de la gouvernance de l'eau, qui se traduit par une représentation accrue des consommateurs dans la composition des comités de bassin et des conseils d'administration des agences de l'eau, au détriment des professionnels (agriculteurs et industriels), a soulevé des interrogations dans l'hémicycle : après une courte suspension de séance, Ségolène Royal, qui a reconnu dans cette mesure un progrès alors que la part des usagers non économiques représentent moins de 30 % des usagers dans certains comités de bassin, a néanmoins appelé à la prudence et a tenu à rassurer les agriculteurs en appelant à la poursuite des débats en 2nde lecture (amendement n°1206 de Delphine Batho).

Une disposition précise que la notion d'espèce modèle utilisée pour la recherche ne doit pas être limitée aux espèces domestiques, pour tenir compte du fait que certaines espèces sauvages sont utilisées comme modèle par la recherche. Ces espèces modèle seront listées par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture, de la recherche, de la santé et de la défense. Cette mesure n'a été acceptée par la rapporteure Geneviève Gaillard qu'à condition que l'objectif reste bien la limitation de l'utilisation des animaux vivants pour la recherche, au profit des techniques alternatives.

Des dispositions sont prises en matière de biopiraterie (pillage des ressources génétiques dans les pays en voie de développement), notamment sur les contrôles et sanctions financières, ces dernières pouvant aller jusqu'à 1 million d'euros avec une peine complémentaire de 5 ans d'interdiction d'accéder aux ressources génétiques en vue de leur commercialisation (amendements à l'article 20 du PL). Donnant l'avis du gouvernement sur des amendements de l'opposition visant à réduire ces peines, Ségolène Royal a demandé le retrait d'un « amendement laxiste ».

La députée écologiste Laurence Abeille a proposé sans succès deux mesures destinées à protéger la faune d'équipements particulièrement meurtriers : l'installation systématique d'un système de remontée anti-noyade dans les bassins de décantation ou de rétention des crues ainsi que la pose de nouveaux poteaux téléphoniques et de poteaux de filets paravalanches et anti-éboulements creux et non obturés. Mais la ministre de l'Ecologie a demandé le retrait de ces amendements, s'engageant à sensibiliser les différents acteurs et à adresser des instructions aux opérateurs pour les engager à faire des efforts sur leurs équipements (amendements 1042 et 1043).

Une disposition introduit la possibilité pour les parcs naturels d'introduire dans leur charte des mesures concernant la circulation des véhicules à moteur, lesquelles doivent prendre en compte la mission principale des parcs concernant la préservation du patrimoine et des paysages. Ce pouvoir appartient désormais aux parcs et plus aux mairies, qui n'ont plus désormais pour mission que l'application de ces mesures.

Un amendement de la députée Laurence Abeille « évitant l'artificialisation nette des terres » dans les parcs naturels a été rejeté. Pour Ségolène Royal, cette disposition relève de la responsabilité des parcs et constitue un frein à la création des parcs.

Un amendement de la députée Laurence Abeille excluant la culture d'OGM sur tout le territoire des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux a été rejeté. La ministre a promis que cette question ferait l'objet de « politiques contractuelles d'encouragement ».

Sur toute une série d'amendements visant à donner plus de légitimité et de responsabilités aux chasseurs dans le code de l'environnement ainsi que dans les instances nationales, des accusations ont fusé entre l'opposition et la majorité. Les auteurs de ces amendements portant sur l'article 32 du PL ont accusé le gouvernement de mettre sous cloche les chasseurs qui « font pourtant la biodiversité ». Saluant cependant le prolongement de la chasse à l'oie par Ségolène Royal, ils ont reproché à la majorité de constamment « faire la guerre aux chasseurs ». La ministre a dénoncé un discours électoraliste, appuyée par le député écologiste François De Rugy qui a rectifié le tir en affirmant que c'était plutôt les associations de défense de l'environnement, et non les chasseurs, qui faisait la biodiversité.

L'article 33 tel qu'adopté clarifie les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, l'opérateur responsable pouvant les satisfaire soit directement, soit en confiant par contrat la réalisation de ces mesures à un opérateur de compensation, soit par l'acquisition d'unités de compensation dans le cadre d'une réserve d'actifs naturels.