À l’approche de la COP21, conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre prochain, où la LPO sera représentée par son Président Allain Bougrain Dubourg, Philippe J. Dubois, responsable du programme biodiversité et changement climatique à la LPO, répond à nos questions sur l’influence du climat sur les oiseaux en ville.

Philippe-Jacques Dubois - Crédit photo : Elise RousseauPhilippe-Jacques Dubois - Crédit photo : Elise Rousseau

À l’heure actuelle, quels sont les signes observables du changement climatique ?

« Le changement climatique s’observe partout, les signes sont multiples et touchent toute la biodiversité, jusqu’à l’Homme. Depuis 30 ans, les scientifiques tirent la sonnette d’alarme car en France, la température moyenne a augmenté de 1°C depuis les années 1900. Même si cela peut paraître anodin, les conséquences sont largement ressenties par la faune et la flore. Et d’ici 85 ans, la température moyenne aura augmenté de 2 à 3°C, dans le scénario le moins pessimiste. La plupart des scientifiques s’accordent à dire que la majeure partie du réchauffement climatique est liée aux activités humaines. Si l’Homme n’existait pas, la planète aurait dû connaître une période de refroidissement. »

Quels en sont les principaux impacts sur la faune sauvage européenne et en particulier les oiseaux ?

« Dans un premier temps, il y aura des espèces « gagnantes » et des espèces « perdantes » (même si ces termes sont un peu abusifs) car les impacts ne seront pas forcément négatifs pour tout le monde.

Parmi les espèces « gagnantes » :

  • Les sédentaires (ex : mésanges, Merles noir) : la mortalité hivernale sera plus faible avec jusqu’à 3 pontes / an probables au lieu de 2.
  • Les espèces semi-migratrices (Bergeronnette grise, Grive musicienne, Pouillot véloce) : elles préfèrent s’arrêter sur le pourtour du bassin méditerranéen au lieu de rejoindre l’Afrique tropicale pour économiser leurs réserves.

Parmi les espèces « perdantes », certains grands migrateurs (transsahariens) sont fortement impactés (Gobemouche noir, Fauvette des jardins, …). Les voyages aller et retour sont particulièrement épuisants pour ces espèces : extension du Sahara, pesticides, disparition des milieux, sécheresse, etc. De plus, une fois de retour en Europe, sans aucun temps de repos, les oiseaux sont obligés d’enchaîner sur les périodes de reproduction et de prospection d’alimentation en raison de l’arrivée plus précoce du printemps. En conséquence, ces oiseaux parviennent difficilement à s’adapter au réchauffement climatique.

Par ailleurs, les scientifiques ont constaté que les espèces allochtones (introduites par l’Homme) sont quant à elles souvent mieux adaptées au réchauffement climatique que les espèces autochtones. »

Les espèces en ville sont-elles plus vulnérables que les autres ?

« Non et c’est même le contraire. L’hiver, dans les villes, les températures sont un peu plus élevées, si bien que les oiseaux souffrent moins qu’en campagne (au sein d’une même espèce). Parallèlement, en ville, les prédateurs sont moins présents ce qui leur apporte une certaine tranquillité. De plus, le printemps étant de plus en plus précoce, les insectes font leur entrée plus tôt constituant ainsi une réserve de nourriture essentielle pour les oiseaux insectivores.

Mais à terme, la pollution atmosphérique provoquera des effets irréversibles sur les insectes et la chaîne alimentaire en sera alors perturbée. »

Quelles sont les actions à mener pour ralentir ce réchauffement afin de préserver la biodiversité ?

« Concernant les oiseaux en villes, il est important de mettre à disposition des nichoirs et des mangeoires mais il faut aller au-delà de la cause des oiseaux en favorisant les actions éco-citoyennes : transports en commun, co-voiturage, etc., car ce qui détruit les oiseaux, détruit l’Homme. Les oiseaux sont pour nous de bons indicateurs de la santé de notre environnement. Ce sont eux qui tirent la sonnette d’alarme.

À terme, l’Homme sera directement touché, par exemple :

  • Moins de fruits et légumes car moins de pollinisateurs
  • Un changement de notre régime alimentaire
  • Développement de maladies

Pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut agir sur les causes, par exemple :

  • Limiter les gaz à effets de serre
  • Limiter les pollutions en ville
  •  Adopter un comportement moins consumériste et changer ses habitudes alimentaires
  • ...

Selon le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), les conséquences seront graves et irréversibles. Les productions alimentaires seront altérées avec une perte de rendement en matières premières (exemple : farine). De plus, d’autres phénomènes apparaîtront :

  • Conflit pour l’eau
  • Migration humaine face à des évènements climatiques extrêmes
  • Exploitation plus importantes des ressources
  • Développement des moustiques et autres vecteurs de maladies

Il faut donc prévoir sur le long terme en sachant qu’il faut agir sur le court terme. »

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