Presque 15 ans après le naufrage du « PRESTIGE » en novembre 2002 dans l’Atlantique au large de la Galice, la Cour Suprême d’Espagne vient de condamner le capitaine grec, l’armateur et propriétaire libérien et l’assureur britannique du cargo pétrolier qui battait pavillon des Bahamas !
Mardi 27 janvier 2016, le capitaine a été condamné à 2 ans de prison par la justice espagnole. Quant à l’armateur et l’assureur, ils sont déclarés civilement responsables car le pétrolier, surchargé, mal entretenu et surtout vieux de 26 ans était en fin de vie et aurait dû finir à St-Pétersbourg.
Ils devront indemniser les nombreuses victimes « à hauteur d’un milliard de dollars », soit le plafond qui figurait dans le contrat d’assurance. Les dédommagements, concernant essentiellement la France, le Portugal et surtout l’Espagne. Dès 2012, le préjudice avait été chiffré à plus de 4 milliards d’euros dont 3,8 pour l’Etat espagnol. En 2013, le gouvernement français avait estimé plus de 100 millions le coût pour les victimes françaises de la marée noire.
Le montant global des dommages et intérêts auquel seront condamnés le capitaine, l'assureur et le propriétaire n'a pas encore été fixé, pas plus que le détail des victimes (communes littorales, associations, …) qui seront indemnisés car « La Cour suprême espagnole a seulement donné un cadre général pour la fixation des indemnisations ». Elle souligne cependant que l'indemnisation devra couvrir « la réparation des dommages constatés, le manque à gagner, y compris les dommages causés à l'environnement dans ses différents aspects, l'indemnisation des dommages d'ordre matériel et moral, dans la limite des requêtes formulées par les parties dans leurs conclusions ».
Pour triste mémoire sur ce qui fut la pire marée noire jamais connue en Espagne et l’une des plus graves avec l’Erika pour l’Europe : plus de 63 000 tonnes de fioul avaient pollué le littoral espagnol, portugais et français, sur des milliers de kilomètres. Près de 300 000 volontaires venus de toute l’Europe avaient participé au nettoyage des plages et rochers souillés. En 10 ans d’instruction, il y eut 1 500 plaintes regroupées en 55 parties civiles, huit mois d'audiences et près de 200 témoins et experts appelés à la barre.
Du côté des oiseaux même si aucun bilan exhaustif des dégâts causés par le naufrage n’a été réalisé, entre 115 000 et 230 000 oiseaux auraient péri. La LPO a dès le début apporté son soutien logistique aux associations espagnoles et portugaises et son expérience du soin aux oiseaux mazoutés depuis l’Erika. Si seulement 23 000 oiseaux mazoutés ont été recueillis vivants, plus de 2800 l’ont été en France du Pays basque jusqu’aux Côtes d’Armor… La LPO assurera la coordination de l’acheminement et des soins dans les structures d’accueil du littoral, enverra un soigneur en Espagne et mobilisera plus de 1 000 adhérents en Charente-Maritime pour prospecter les plages et collecteur les oiseaux victimes.
Ses dépenses se sont élevées à plus de 80 000 euros dont elle a demandé le remboursement au FIPOL qui a réduit l’indemnisation à 5 000 euros.
La LPO, auditionnée le 2 avril 2013 (par Skype) en la personne de Michel Métais, son directeur de l’époque, par les juges espagnols avait rappelé la mobilisation de la LPO et sollicité auprès du procureur espagnol, garant des demandes indemnitaires des parties civiles, le règlement par les condamnés, du solde de son préjudice matériel soit 76 000 euros.
Le jugement du tribunal de la Corogne du 13 novembre 2013 avait été particulièrement laxiste, prononçant l’acquittement général du personnel et la relaxe du délit d’atteinte à l’environnement estimant qu’il n ’y avait pas de certitude qu’il ait commis une faute d’imprudence. En outre, ni le propriétaire du Prestige, l'affréteur, le propriétaire de la cargaison, l'agence de certification ou l’assureur n’étaient poursuivis.
Décision alors critiquée qui avait fait dire à l’avocat de Greenpeace Espagne que « si la condamnation prononcée en France lors du procès de l'Erika contre Total était une avancée, celle du Prestige est un retour en arrière de vingt ans, digne d'un pays du tiers-monde, et qui remet en cause le principe de la justice environnementale ».
L’affaire était donc revenue en appel devant la Cour Suprême parce que le parquet de la Corogne et l’Etat français avaient contesté la condamnation - beaucoup trop légère selon eux.
La LPO est donc particulièrement satisfaite mais reste vigilante quant aux suites concrètes qui vont être données à cette décision de justice d’autant que le 7 mars sera rendu une autre décision de haute juridiction mais cette fois-ci en France, la Cour de Cassation, sur le procès qui l’oppose à TOTAL poursuivi pour pollution dans l’estuaire de la Loire (Donges) en Loire-Atlantique, en mars 2008 (fuite d’hydrocarbure de sa raffinerie)
En savoir plus https://www.lpo.fr/catastrophes-et-marees-noires/2002-le-prestige