Alors que cette espèce était considérée comme localement éteinte, une femelle Phoque moine en gestation a été retrouvée morte au Liban.
Après cette découverte, la Société de Protection de la Nature/ BirdLife Liban (SPNL) a immédiatement déclenché des actions de conservation en vue de protéger cette espèce, désormais considérée en danger (EN).
En Mars 2015, un Phoque moine a été trouvé mort, piégé dans les filets de pêche, sur la côte de Beyrouth au Liban. Un événement d’autant plus triste que l’autopsie a révélé que l’animal était en pleine gestation et qu’il s’agissait d’un Phoque moine de Méditerranée, l’une des espèces les plus rares de la planète du groupe pinnipèdes (phoques, otaries et morses). Les défenseurs de l’environnement ont donc décidé de se mettre à l’action.
Avec une population estimée à moins de 450 individus, cette espèce en danger était autrefois considérée comme éteinte sur le plan local au Liban. En effet, seules quelques observations occasionnelles de décès ou de prises involontaires ont été relevées depuis 50 ans.
Pour les acteurs de la conservation au Liban, cet événement est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle : si ce Phoque moine avait pu se reproduire dans une grotte côtière, ses défenseurs auraient pu la protéger elle et son habitat résiduel. De plus, le fait que cette femelle était en gestation, indique la présence d’un autre individu le long des côtes, ce qui a d’ailleurs été confirmé par les pêcheurs quelques jours plus tard.
En entendant ces nouvelles tragiques, le Fonds de partenariat pour les écosystèmes critiques (CEPF) en Méditerranée a d’urgence accordé un financement à la SPNL/BirdLife Liban, afin de procéder à une identification des habitats restants du Phoque moine en méditerranée au Liban. Mais aussi pour enquêter sur les nouvelles menaces et travailler de concert avec les communautés, pêcheurs inclus, pour mieux les protéger.
Jusque ici, le Phoque moine de méditerranée avait élu domicile dans toute la Méditerranée, la mer Noire et le nord-ouest de la côte africaine. Sa population a sensiblement diminué à partir des années 1970, probablement en raison du dérangement et de la dégradation de son habitat, de la chasse, des prises accidentelles et celles volontaires des pêcheurs qui les considèrent comme des nuisibles. Sans compter le manque de sensibilisation et d’autres facteurs qui doivent être identifiés et explorés.
Première étape du projet : bien comprendre la situation des Phoques moines au Liban. SPNL a commencé à échanger avec les pêcheurs et les plongeurs. Parallèlement, une banque de données a été mise en place pour compenser l’actuelle absence d’études scientifiques qui pourraient renseigner sur leur localisation, leur nombre et les menaces qui pèsent sur eux.
SPNL a identifié qu'il pourrait y avoir de nouvelles menaces telles que la consommation de poissons toxiques invasifs (Lagocephalus sceleratus) sans compter la pêche illégale à la dynamite et les marées noires répétitives.
Par la suite, il va être primordial de lancer un plan d'action de conservation de l'espèce. SPNL met actuellement en place un groupe de travail en Méditerranée dédié au Phoque moine avec tous les pays clés de son aire de distribution ainsi que les acteurs porteurs des enseignements de conservation effectués à l’étranger, en vue de les partager.
Enfin, la compréhension et la sensibilisation seront les clés de réussite de ce projet. À l’instar des forums d’échanges avec les pêcheurs et les plongeurs sur l’importance de la conservation du Phoque moine. En raison des conflits qui opposent les pêcheurs aux phoques, lesquels accusent les phoques de « manger leurs poissons et de détruire leurs engins de pêche », l'interdiction de la pêche dans les zones sensibles pour le Phoque moine est un début de réponse - mais pas un dernier recours.
Depuis 10 ans, SPNL a remis au goût du jour une ancienne tradition de gestion des aires protégées durables qui s’accorde avec les populations locales : le retour des Hima. SPNL espère ainsi qu'une fois les sites côtiers et les îles importantes pour les phoques identifiés, la conservation des phoques pourra être assurée au travers des Hima Marines prises en charge et entretenues par la population locale.
À l'avenir, le CEPF et SPNL ont bien l’intention d’assurer la protection et la conservation des phoques moines au Liban.
« La présence de cet animal vivant le long de la côte du Liban constitue un patrimoine naturel unique et pourrait être très attractif pour le tourisme durable », confie Bassima Khatib du SPNL. « De même que nous avons limité la persécution des hiboux perçus auparavant comme funestes, nous souhaitons faire comprendre aux pêcheurs que les Phoques moines peuvent être de bon augure. »
Les Phoques moine de Méditerranée ont été répertoriés comme espèce en « danger critique d'extinction » sur la Liste rouge de l'UICN de 1996 à 2015. Cependant, il y a eu quelques signes de reprise dans certains sites comme en mer Egée près de la Grèce ; c’est pourquoi ils sont maintenant répertoriés comme espèce « en danger » (d’autres informations restent encore à compiler pour le Liban.)
Si les Grecs de l'Antiquité vénéraient les Phoques moines et les considéraient comme un bon présage, alors gageons qu’il en soit de même pour l'avenir au Liban.
En savoir plus sur les mammifères marins les plus menacés en Méditerranée
Les Phoques moine de Méditerranée Monachus monachus avaient pour habitude d’occuper les plages ouvertes de sable et les rivages rocheux, mais la pression de chasse traditionnelle a forcé ces animaux à se réfugier dans des grottes retirées avec des entrées sous-marines. Avec plus de deux mètres de long et un poids de 250 à 300kg, ils ont été baptisés phoque « moine » en raison de la forme de l’arrière de la tête et des épaules évoquant un moine encapuchonné vêtu d’un robe noire.
Le phoque est une espèce dite « EDGE » (évolutivement distinctes et globalement menacées d'extinction) : l'une des deux seules espèces de Phoques moines survivantes à partir d'une ancienne lignée pinnipèdes.
Nous avons caché la localisation des observations dans cet article pour la sécurité des phoques.
BirdLife International, ainsi que ses bureaux au Moyen-Orient et ses partenaires DOPPS/BirdLife Slovénie et la LPO/BirdLife France, ont constitué l’équipe de mise en œuvre (RIT) pour le Fonds de Partenariat pour les Ecosystèmes Critiques (CEPF) dans le point chaud de biodiversité (Hotspot) du bassin méditerranéen (CEPF Med).
Pour en savoir plus : www.birdlife.org/cepf-med.
Le CEPF (Fonds de Partenariat pour les Ecosystèmes Critiques) est une initiative conjointe de l’Agence Française de Développement (AFD), de Conservation International (CI), de l’Union Européenne, du Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), du gouvernement japonais, de la fondation John D. et Catherine T. MacArthur, et de la Banque mondiale. La Fondation MAVA apporte également son soutien pour le bassin méditerranéen. L’un des objectifs primordiaux du CEPF est de garantir que la société civile participe à la conservation de la biodiversité. Pour plus d’informations sur le CEPF : www.cepf.net.