Comment gérer les dortoirs d’étourneaux à l’échelle d’une ville ? La question revient chaque année pour un grand nombre de collectivités en France. Voici donc quelques conseils pour éviter de jouer au chat et à la souris tout l’hiver avec les étourneaux.
À chaque retour de l’automne, le ballet de milliers d’étourneaux dessine dans le ciel d’onduleuses formes, régalant les observateurs avant la tombée de la nuit. Mais une fois cette danse terminée, la nuée converge vers un dortoir afin d’y passer la nuit.
Les problèmes liés à l’installation d’un dortoir
À l’automne, les étourneaux viennent chercher dans le cœur des villes un lieu pour passer la nuit en toute sécurité. Ils recherchent principalement de la chaleur, de la lumière et l’absence de prédateurs (rapaces). Les dortoirs sont donc majoritairement des parcs urbains ou plus généralement toute zone boisée offrant l’opportunité à plusieurs milliers d’individus de passer la nuit ensemble. Mais ce regroupement de milliers d’individus entraîne de fortes nuisances sonores mais également olfactives à cause des fientes. La cohabitation avec l’Homme devient donc difficile et fait l’objet de nombreuses crispations entre les habitants et les élus, souvent démunis.
Mieux vaut prévenir que guérir !
Aussi simple que cela puisse paraître, il est plus facile d’empêcher les étourneaux de s’installer sur une zone que de les en déloger ! Pour cela, il suffit de respecter quelques mesures simples :
- Limiter les plantations trop homogènes d’arbres persistants ou à petits fruits (lauriers, troènes,…) : une plantation d’arbres avec leurs feuilles et leurs fruits en hiver offrira le gite et le couvert aux étourneaux !
- Elaguer de façon à favoriser la croissance des branches principales afin de permettre le passage du vent : les courants d’air entraîneront une baisse de la chaleur et par conséquent une baisse du potentiel d’accueil.
- Eviter les tailles sévères qui entraînent la repousse des petites branches : ces dernières offrent des possibilités de perchage aux étourneaux et les protègent des intempéries.
Etudier les lignes de vol
Les déplacements des étourneaux de leur site de nourrissage en journée (les zones extra-urbaines) vers leurs dortoirs au cœur des villes se font de manière progressive : des petits groupes se raccrochent les uns aux autres, tout en convergeant vers la ville. Les effectifs sont donc croissants au fur et à mesure des rassemblements.
Le dernier lieu fréquenté avant le dortoir est appelé pré-dortoir. Il est généralement dégagé, en hauteur, bien visible et c’est ici que les étourneaux tournoient en nuées dans le ciel.
Dans les cas des grandes villes, il peut être judicieux d’étudier précisément les lignes vol. En effet, les dortoirs seront surtout situés aux abords du point d’entrée des oiseaux dans la ville (il est peu probable que les étourneaux rentrent à l’Est pour s’installer à l’Ouest).
Etudier les lignes de vol permet donc de cibler les lieux qui pourront servir de dortoir aux étourneaux. Pour cela, il faut mobiliser plusieurs petits groupes de 2 à 3 observateurs qui noteront chaque déplacement de plus de 10 étourneaux aux abords de la ville et jusqu’en son centre : nombre d’individus, heure, type de milieu, sens de déplacement. Généralement, le dernier vol (vers le dortoir) est rapide, direct et en ligne droite. Les données de tous les groupes d’observateurs sont ensuite cartographiées à l’échelle de la ville afin d’avoir une vision globale des déplacements des étourneaux et repérer ainsi les sites de rassemblements, les pré-dortoirs et les dortoirs.
Méthode d’effarouchement
Attention, si la présence d’étourneaux sur un site ne provoque pas de gêne ou de dégâts majeurs, il est inutile de chercher à les délocaliser. Si en revanche le dortoir est considéré gênant (parc urbain, parking, avenue,…), la décision peut être prise d’effaroucher les individus présents. La méthode[1] présentée ci-après a été mise au point par Philippe Gramet de l’INRA et concerne tous les types de milieux (haies, allées, boisements, arbres,…) sur tous les types d’espaces (ville et campagne).
Soir 1 : Réveil brutal des oiseaux et stress, 1h après le coucher du soleil.
Matin 1 : Deuxième réveil brutal avec mémorisation du stress et envol dans l’insécurité, 1h avant le lever du soleil.
En journée, élagage du site (cf. ci-dessus Mieux vaut prévenir que guérir).
Soir 2 : 1h avant et après le coucher du soleil, empêcher les oiseaux de s’installer sur le site.
Matin 2 : Quelques oiseaux se seront installés donc procédure du matin 1.
Soir 3 : Idem soir 2.
Matin 3 : Idem matin 2.
D’une manière générale, les séquences d’effarouchement ne doivent pas dépasser une minute. Pour les effarouchements acoustiques, il est préférable de procéder à des détonations soudaines qu’à des bruits continus.
Si aucun dortoir ne peut être toléré dans la ville, il est possible d’empêcher les étourneaux de s’y installer. Il suffit d’appliquer la méthode ci-dessus à l’ensemble des dortoirs et dortoirs potentiels de la ville. La démarche est beaucoup plus lourde en termes de moyens humains et financiers mais a fait ses preuves au sein des villes de Rennes et de la Roche Sur Yon.
Il est également à noter que plus un dortoir sera récent, plus il sera aisé d’en déloger les étourneaux.
Enfin, la notion de site d’accueil est à prendre en compte : un espace peut être spécialement aménagé dans ou à l’extérieur de la ville pour y héberger un dortoir. Cet espace doit être sous les lignes de vol et proche d’un pré dortoir (d’où l’importance de connaître les déplacements des étourneaux), faiblement exposé au vent, composé d’un bosquet d’arbres persistants et si possible éclairé. Pour ce qui est de la superficie, il faut généralement compter 1 500m2 pour 10 000 étourneaux.
Les outils d’effarouchement
Concernant les outils, ceux-ci peuvent être de quatre types différents :
- Acoustiques : diffusion de chants de détresse d’étourneaux, cris d’alerte de geais, bruits artificiels, détonations de pétards, frappes sur bidons, frottements de bambous, cymbales,...
- Visuels : Ballons épouvantails gonflés à l’hélium au niveau des arbres, faisceaux lasers, leurres de rapaces,…
- Visuels et acoustiques : pistolets à fusées crépitantes, Effraie "Tonnfort" (une détonation est émise et propulse un leurre le long d'un mât de 8 mètres de hauteur),…
- Biologiques : utilisation de rapaces, prédateurs naturels des étourneaux (buse, faucon,…).
Afin d’obtenir un effet maximal et d’éviter l’acclimatation par les étourneaux, il est conseillé de coupler les types d’outils entre eux mais également de varier les méthodes.
Au final, la gestion des dortoirs peut se faire assez simplement si le problème est pris en amont et surtout dans sa globalité. Avant toute opération, il est important de se demander si le dortoir occupé représente un problème général ou s’il concerne simplement quelques personnes sur un court laps de temps. Si la décision est prise d’agir, compte tenu de la méthode à mettre en place et des techniques qui y sont associées, il est important d’associer la population en la prévenant via les panneaux d’affichage, la radio, le site web de la ville, les réseaux sociaux, etc.
Plus d’informations
[1] Les étourneaux dans la ville : Biologie et méthodes de gestion