Philippe Clergeau répond à nos questions sur la Trame Verte Urbaine (TVU).
Quels sont les enjeux de l’intégration de la biodiversité en ville ?
« L’écologie urbaine est une science nouvelle. En ville, on ne peut pas utiliser les théories classiques de l’écologie définies pour les espaces naturels. Il faut d’abord démontrer qu’elles fonctionnent en milieu urbain. Les espèces qui arrivent à s’adapter à la ville changent de comportement. Par exemple, le Faucon crécerelle qui, en milieu naturel se nourrit de micromammifères, se nourrit surtout d’insectes en ville. Il faut étudier ces nouveaux processus.
En milieu urbain, il faut sortir d’une approche naturaliste centrée sur la protection des espèces pour elles-mêmes et valoriser plutôt une protection du système global.
La ville représente aujourd’hui en France 20% du territoire. C’est une surface immense et l’espace urbanisé doit prendre lui aussi ses responsabilités face à la biodiversité comme on le demande déjà depuis longtemps à l’espace agricole. Par ailleurs, la biodiversité est source de services rendus aux citadins (bien être, régulation des pollutions et de la chaleur...) et doit être prise en compte dans la manière de concevoir l’urbain.
Pourquoi mener une étude sur le concept de Trame Verte Urbaine (TVU) ?
Tout d’abord pour explorer notamment le concept de corridor écologique en pas japonais* en milieu urbain qui reste une idée à confirmer. Mais l’étude sur la Trame Verte Urbaine met surtout en avant le rôle des bords de fleuves et des canaux mais aussi des jardins privés dans le maintien de la biodiversité en ville. En cela le citadin devient un acteur principal des projets à travers la gestion qu’il va entreprendre sur la parcelle dont il est propriétaire ou bien seulement usager. Pour faire connaître cette biodiversité, la science participative et les animations sont d’importance capitale.
La recherche a progressé mais il reste encore beaucoup à découvrir comme par exemple le rôle que peuvent jouer les noues végétalisées pour la biodiversité.
Est-ce qu’un bâtiment végétalisé peut contribuer à renforcer la trame verte urbaine ?
On ne peut pas encore répondre avec certitude. Sur ce sujet la communication est allée beaucoup plus vite et beaucoup plus loin que la science mais l’impact sur la présence de nombreuses espèces animales et végétales est indéniable.
Une précision cependant sur le sujet de l’agriculture urbaine qui a pris une ampleur énorme en deux ans. Il ne faut pas confondre agriculture urbaine et biodiversité qui sont deux sujets bien distincts. Le but premier de l’agriculture est de produire. Cela n’a rien à voir avec créer des refuges de biodiversité pour les espèces sauvages. Si la parcelle destinée à l’agriculture urbaine n’est pas traitée de façon écologique (attention au sol, haies champêtres…), elle ne présente pas ou peu d’intérêt pour la faune et la flore sauvage.
La biodiversité est indispensable à la durabilité de la ville. Il est temps de sortir du naturalisme strict pour tendre vers une écologie globale.
Ce modèle de nature en ville doit être co-construit. Les diagnostics de biodiversité doivent donner l’essor à un nouvel urbanisme. Il est possible de requalifier l’existant avec des principes de gestion écologiques (densification de certaines zones urbaines avec continuités vertes et modification des usages). »
*Ensemble de milieux physiquement disjoints mais fonctionnellement interconnectés.
Philippe Clergeau est également l’auteur du Manifeste pour la ville biodiversitaire paru en octobre 2015 aux éditions Apogée.