À la demande de la LPO, par décision du 9 mai 2018, le Conseil d’État enjoint au Premier ministre de prendre les mesures règlementaires dans un délai de six mois afin d’adopter une liste des habitats naturels protégés. Et pour cause : si la dégradation des habitats naturels constitue une cause majeure du déclin de la biodiversité, force est de constater que nombre d’entre eux ne bénéficient d’aucune protection forte.
Il existe des outils juridiques destinés à protéger les milieux naturels : parcs nationaux, réserves naturelles, espaces naturels sensibles... mais du fait de leur mise en œuvre difficile, ou de la protection insuffisante qu’ils assurent, de nombreux habitats sont encore aujourd’hui menacés par les activités humaines.
Ainsi, le réseau Natura 2000 créé par la directive Habitats, qui tend à conserver et restaurer les habitats dits d’intérêt communautaire, repose essentiellement sur une base contractuelle et de ce fait n’est pas considérée comme une protection forte1. La LPO est d’ailleurs régulièrement alertée de cas de destruction d’habitats d’intérêt communautaire sans que des sanctions puissent être appliquées efficacement.
De plus, le réseau Natura 2000 ne s’étend pas aux territoires d’outre-mer, là où la biodiversité est la plus riche et souvent la plus vulnérable.
La liste des habitats naturels protégés, un outil créé par la loi « Grenelle II » mais jamais mis en œuvre, faute de textes d’application
À l’occasion de la loi dite « Grenelle II » du 12 juillet 2010, le législateur a souhaité la création d’un outil juridique permettant une protection réglementaire aisée des habitats naturels, au même titre que la protection des espèces et de leurs biotopes et s’appliquant sur tout le territoire français.
À cet effet, il a introduit dans le code de l’environnement l’interdiction de destruction, d’altération ou de dégradation des habitats naturels. Les habitats visés sont ceux dont la conservation est justifiée par un intérêt scientifique particulier, un rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel.
Le texte adopté prévoit des mesures règlementaires d’application permettant l’établissement d’une liste limitative des habitats naturels concernés par ces interdictions.
Malgré l’impérieuse nécessité de protéger la nature qui s’est traduite par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité. Malgré les alertes des associations de protection de la nature et malgré le déclin de la biodiversité toujours plus édifiant, ces mesures n’ont jamais été adoptées par les gouvernements successifs.
L’État sanctionné pour son retard par la plus haute juridiction administrative
Sans réponse de l’État à ses demandes répétées de publication des textes d’application, la LPO a saisi le Conseil d’État en 2017.
La haute juridiction, par décision du 9 mai 2018, donne raison à l’Association et ordonne au Premier ministre de prendre ces mesures, dans un délai de six mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
1 La Stratégie de Création des Aires Protégées (SCAP) a pour objectif de placer, d’ici 2019, 2% au moins du territoire terrestre métropolitain sous protection forte. Le terme de « protection forte » désigne les outils réglementaires suivants : réserves naturelles nationales (RNN) ou régionales (RNR), les arrêtés préfectoraux de protection de biotope (APPB) et de géotope (APPG), les cœurs de parcs nationaux, les réserves biologiques forestières dirigées (RBD) et intégrales (RBI).