Notre recours face aux rejets en mer des effluents de l'usine d’alumine Alteo de Gardanne porte ses fruits ! Les associations (dont la LPO) présentes ce jeudi au tribunal se réjouissent que le rapporteur public les aient suivi, en concluant qu’il était nécessaire d’annuler l’autorisation préfectorale.
Les juges du tribunal administratif de Marseille se prononceront début juillet après délibéré, se fondant notamment sur l’avis du rapporteur public. Ce dernier a appuyé son positionnement sur le constat d’une absence d’analyse dans l’étude d’impact des effets des rejets en mer cumulés avec les rejets à terre.
Toutefois, compte tenu des enjeux économiques et sociaux très importants (440 emplois directs et 300 indirects), il a proposé une régularisation et a suggéré deux prescriptions :
- D’une part demander au préfet de lancer une nouvelle enquête publique avec une nouvelle étude d'impact, qui devra prendre en compte les effets cumulés des rejets en mer (à la fosse de Cassidaigne) et ceux liés au site terrestre de Mange Garri à Bouc-Bel-Air (où sont stockés les résidus solides de bauxite).
- D’autre part écourter la durée de la dérogation accordée en 2015 pour 6 ans et la faire passer à quatre, pour prendre fin au 31 décembre 2019.
Alors même qu’il présente des comportements à risque, Alteo bénéficie d’une dérogation contraire aux recommandations de sa profession
Le groupe Alteo est régulièrement pointé du doigt par les associations de défense de l'environnement pour avoir déversé pendant plus de 50 ans des boues rouges dans la Méditerranée. Son usine d'alumine bénéficiait depuis 1966 du droit de rejeter les résidus solides du traitement de la bauxite à une profondeur de 320 mètres dans un canyon marin au cœur du parc national des Calanques de Cassis. Quelques 20 millions de tonnes de boues rouges ont ainsi été déversées sur plus de 2 000 km2 de fonds marins.
Pourtant, dès 1996, afin de se conformer à la Convention de Barcelone pour la protection de la mer Méditerranée, l’exploitant de l’usine d’alumine de Gardanne avait pris l’engagement de diminuer progressivement les rejets en mer, jusqu’à un arrêt complet au 31 décembre 2015.
Selon les préconisations de la profession (International Aluminium Institute et European Aluminium Association) de 2014 « il est accepté par l’industrie que le déversement de résidus de bauxite en mer ou dans un estuaire cessera d’ici 2016 ». Malgré ces engagements, l’État avait toutefois pris la décision en 2015 d’autoriser de nouveau les rejets en mer, et d’accorder à l’exploitant le droit de déroger aux normes limites de rejet pour 6 paramètres, dont le pH, le fer l’arsenic ou l’aluminium, jusqu’au 31 décembre 2021.
Depuis 2016, de nombreux incidents sont survenus. La préfecture des Bouches-du-Rhône a mis plusieurs fois en demeure la société Alteo, notamment en avril et mai 2018. Le 25 mai 2018, Brune Poirson, la secrétaire d'État auprès de Nicolas Hulot, avait indiqué sur France Bleu Provence que l’usine de Mange-Garri qui stocke des centaines de tonnes de résidus de bauxite à ciel ouvert avait pris « les mesures nécessaires » suite à la dispersion de poussières rouges. Ce fameux « nuage de boue rouge » s’était envolé au-dessus du village de Bouc-Bel-Air les 7 et 8 avril 2018 et avait donné lieu à une plainte du maire de la commune pour pollution de l’air par Alteo.
Nous espérons que la LPO aura à se réjouir début juillet d’une décision des juges qui réaffirmera l’importance et la réalité des effets de ces activités polluantes. La mer n’est pas une poubelle, cessons d’y cacher des déchets toxiques !