Abusivement déclarée comme nuisibile un peu partout en France, cette espèce est en déclin sur le territoire.

Corbeau freux (Corvus frugilegus) - Crédit photo : Fabrice CahezCorbeau freux (Corvus frugilegus) - Crédit photo : Fabrice Cahez

Jeudi 16 mai, Allain Bougrain Dubourg et Yves Verilhac, respectivement Président et Directeur Général de la LPO France, étaient aux côtés d’autres défenseurs de la nature pour s’opposer au massacre d'une colonie de Corbeaux freux dans le Bois du Fort à Meyzieu (69). Grâce à cette intervention, le carnage initialement prévu en pleine période de reproduction a pu être évité, même si quelques tirs ont bien eu lieu. Mais pour combien de temps ? Sans compter que d’autres opérations similaires ont lieu ailleurs en France.

Cette troisième séance de tir en un mois, placée sous protection policière, était effectuée par la fédération locale des chasseurs et organisée par les pouvoirs publics sous prétexte de régulation d’une espèce classée nuisible par un arrêté préfectoral, à la demande notamment d’agriculteurs se plaignant de dégâts occasionnés sur leurs parcelles.

La prolifération, une fake news !

D’autres arguments tels que les risques sanitaires et le bruit ne peuvent pas être retenus dans un tel arrêté. Quant à une soi-disant prolifération des corbeaux dans l’hexagone, régulièrement avancée par ses détracteurs, elle relève de la désinformation. Des études scientifiques démontrent à l’inverse sur notre territoire un effondrement de leurs effectifs, qui ont diminué de 36% entre 2000 et 2018. Plutôt nordique, le corbeau freux est sans doute sensible au réchauffement dans notre pays, ainsi qu’au développement de l’agriculture intensive, car il se nourrit et se reproduit en milieu agricole. En raison de son classement comme nuisible dans une grande partie du territoire français, les destructions légalisées comme celles de Meyzieu ne font qu’empirer la situation. 

La LPO ne conteste pas qu’il y ait des dégâts et ne reste pas insensible à la détresse de certains agriculteurs, dont la plupart ont été conduits dans l’impasse par des politiques publiques inconsidérées. A noter cependant que les dégâts dans le Rhône ont été estimés à 2000 € pour la saison 2014/2015, 6700€ pour 2015/2016, 15.300€ pour la saison 2016/2017 et 40.800€ pour la saison 2017/2018, soit l’année qui précédait le renouvèlement de l’arrêté... Comment expliquer un rapport de 1 à 20 en 3 ans !? Chaque année, 6 à 7000 corbeaux sont déjà détruits rien que dans le département du Rhône. Pour quelle efficacité ? Quelle réduction des dégâts ? L’écologie, les dynamiques de population, les réflexes territoriaux sont plus compliqués que ça.

A l’heure où la biodiversité s’effondre devant nos yeux, il existe des alternatives bien moins destructives permettant d’organiser la cohabitation entre l’homme et la faune sauvage que de hâtives condamnations à mort pour satisfaire le confort ou les intérêts de quelques uns. Et cela est également valable pour d’autres espèces de corvidés souvent déclarées nuisibles telles que la Corneille noire, la Pie bavarde et le Geai des chênes, ainsi que certains mammifères comme la fouine, le renard, la martre ou le blaireau.