Alors que les autres pays européens ont évolué sur la question, près de 25.000 blaireaux sont encore tués chaque année en France dans des conditions sordides.
Le Député Loïc Dombreval et 62 parlementaires français viennent d’appeler enfin à l’abandon des chasses dites « traditionnelles », citant en premier lieu la vénerie souterraine des renards et des blaireaux ainsi que le piégeage des oiseaux, autre monstruosité contre laquelle la LPO se bat sans relâche.
La LPO se réjouit de cette initiative et les en remercie, tout en regrettant leur préconisation d’une fin étalée dans le temps alors qu’il s’agit de se conformer aux législations en vigueur, de mettre fin à des violences envers la faune sauvage et de répondre à l’attente de plus de 85% de leurs concitoyens.
Bien qu’il ne fasse pas officiellement partie des animaux classés nuisibles, ou selon la nouvelle appellation des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD), le blaireau peut faire l’objet de mesures administratives de régulation à l’initiative des préfets et sous l’autorité des lieutenants de louveterie, pour éviter notamment les dommages agricoles. Aucune évaluation n’a toutefois pu démontrer une quelconque utilité dans ce domaine. Appelées « opérations de destruction » il s’agit en fait de chasses, battues générales ou particulières qui font le plus souvent recours au tir de nuit, à la vénerie sous terre et au piégeage.
Dans certains départements, la lutte contre la tuberculose bovine sert également de prétexte alors que l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES) a clairement réitéré dans un rapport publié en 2019 sa position déjà exprimée en 2011, à savoir que dans les zones indemnes de tuberculose, soit 96% du territoire français, l’élimination préventive des blaireaux (et des autres espèces sauvages) ne peut en aucun cas être justifiée au motif de la lutte contre cette maladie. En Grande Bretagne, où la question de l’élimination du badger est particulièrement sensible, des expérimentations de vaccination contre la tuberculose sont en cours dans le but de faire totalement cesser cette pratique au cours des prochaines années.
Rappelons encore que le blaireau fait partie de la liste des espèces inscrites à la Convention européenne de Berne qui stipule que leur chasse ne peut être autorisée qu’en connaissant les effectifs, or ceux-ci ne sont pas connus en France. Ce mammifère essentiellement forestier a un mode de reproduction qui limite toute pullulation, en raison d’une faible natalité et d’une forte mortalité juvénile.
Déterrages barbares
Une vidéo tournée en caméra cachée par l’ONG One Voice a montré toute l’atrocité du déterrage du blaireau, également soulignée dans une récente chronique de Benoit Forgeard sur Arte et dénoncée depuis longtemps par l’ASPAS. Poursuivis par des chiens introduits dans leur terrier, les blaireaux subissent des heures de terreur extrême tandis que les chasseurs creusent jusqu’à les atteindre avant de les extirper à l’aide d’une pince de métal puis de les achever au fusil ou au couteau.
Cette pratique est autorisée pour les équipages de vénerie sous terre du 15 septembre au 15 janvier. Mais, dans un grand nombre de départements, le préfet accorde une « période complémentaire » en décrétant une ouverture anticipée à partir du 15 mai, sans qu'aucune justification par rapport à d'éventuels dégâts ne soit nécessaire. L’animal est alors en pleine période de reproduction et d’élevage des jeunes. L’article L. 424-10 du Code de l’environnement stipule pourtant qu’« il est interdit de détruire ou d’enlever les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ».
Le blaireau étant un animal nocturne, la chasse à l’affût à proximité des terriers à la tombée du jour et jusqu’à une heure après le coucher du soleil se révèle également redoutable. Cette pratique dite du tir de nuit est autorisée de septembre jusqu’en août.
Quant au piégeage, en général réalisé à l’aide d’un collet destiné à étrangler l’animal, il est soumis à autorisation préfectorale spécifique mais possible toute l’année.
La France à la traîne
La LPO s’est appuyée sur son réseau international BirdLife pour comparer le statut du blaireau et sa destruction en Europe et une partie de l’Asie centrale. Le résultat est édifiant. Non seulement la France fait partie des derniers pays européens à persécuter les blaireaux, mais elle est la seule à autoriser leur déterrage, tout comme celui des renards, en pleine période d’élevage des jeunes.
Ainsi la vénerie sous terre pour le blaireau est interdite dans les pays où il fait l’objet d’une protection légale (Belgique, Italie, Portugal, Danemark, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne, Royaume-Uni, Biélorussie, Géorgie, République de Macédoine) et dans ceux où il est uniquement chassable au fusil (Finlande, Slovaquie, Grande Bretagne, Slovénie, Turquie, Ukraine).
D’autres pays (Hongrie, Allemagne, Croatie, République Tchèque, Autriche, un tiers des cantons suisses) l’autorisent encore, mais jamais pendant la période de reproduction !
En raison notamment de la pression des lobbies cynégétiques visant à préserver de soi-disant traditions, la France a donc pris un retard considérable par rapport au reste de l’Europe dans l’éradication des ces modes de chasse cruels. A ce jour, le Bas-Rhin est l'unique département à avoir interdit de chasser le blaireau.
Pour Allain Bougrain Dubourg « Une fois de plus, au nom de la tradition, la France pérennise des pratiques moyenâgeuses. Il faudra bien qu’elle s’aligne sur le reste de l’Europe qui a choisi de tourner la page de souffrances inacceptables. Il y a urgence à en délivrer la faune. »