Une étude du CNRS menée en collaboration avec la LPO a mis en évidence des concentrations élevées de polluants toxiques chez les oiseaux marins rétais. 

 goeland.argente.yali.1gGoéland argenté © Yann Libessart

 

Une équipe de chercheurs du Centre d'Etudes Biologiques CNRS de Chizé (Deux-Sèvres) et de la LPO a étudié la présence de substances perfluoroalkylées (PFAS) dans l’organisme de goélands de la Réserve naturelle nationale de Lilleau de Niges, située au nord de l’Ile de Ré (Charente-Maritime). Les résultats ont été publiés dans la revue Science of The Total Environment en décembre dernier. 

Effectuée avec le soutien de la région Nouvelle Aquitaine, cette étude unique en France et réalisée dans un espace naturel protégé révèle une présence importante de ces molécules dans le corps des oiseaux marins capturés puis relâchés après un prélèvement sanguin. A l’exception du Goéland brun (Larus fuscus) qui migre une partie de l’année jusqu’en Afrique de l’ouest, ces espèces se cantonnent au territoire français. De nombreux effets négatifs ont déjà été décrits chez ces dernières. Une perturbation des niveaux d’hormones thyroïdiennes, essentielles pour le développement et le métabolisme énergétique, a par exemple été constatée chez les Goélands marins (Larus marinus). 

Pollution éternelle

Les PFAS sont des composés fluorés couramment utilisés depuis les années 1940 par une variété de secteurs à des fins domestiques (textiles, emballages, revêtements, produits ménagers, etc.) ou industrielles (mousse anti-incendie, isolants, peintures, pesticides, etc.). Extrêmement persistants dans l’environnement, à tel point qu’on les qualifie de « polluants éternels », ils s’accumulent le long de la chaîne alimentaire jusqu’aux prédateurs supérieurs, tels que les oiseaux marins. A ce titre, les goélands constituent donc d’excellentes sentinelles de la pollution marine et littorale.  

En France, les études sur la présence et l’impact des PFAS dans les écosystèmes restent limitées, et il n’y avait jusqu’à très récemment aucune donnée sur l’état de la contamination chez les oiseaux marins. Chez l’homme, il a été démontré que les PFAS pouvaient causer certains cancers, affecter l'immunité et perturber le système endocrinien. En septembre 2020, l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) a établi un nouveau seuil pour les principales PFAS qui s'accumulent dans l'organisme en raison des risques sanitaires résultant de leur présence dans les aliments tels que l'eau potable, les poissons, les fruits ou les produits transformés à base d’œuf. 

Dès 2015, plus de 200 scientifiques signaient la déclaration de Madrid pour demander des mesures radicales destinées à limiter la pollution perfluorée. En 2019, les ministres européens de l’Environnement ont appelé la Commission Européenne à agir pour éliminer les utilisations non essentielles des PFAS. Si l’usage de certains de ces composés est restreint par la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, tels que les acides perfluorooctanesulfonique (PFOA) et perfluorooctanoïque (PFOS), les PFAS représentent plus de 4700 substances différentes dont l’immense majorité demeure insuffisamment contrôlée.

Pour Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO : « Pendant des décennies, les composés perfluorés ont fait l’objet d’une utilisation massive et irresponsable dont nous commençons seulement à mesurer les conséquences néfastes pour l’environnement. La France et l’Union Européenne doivent accélérer l’éradication de ces poisons invisibles qui détruisent à la fois la biodiversité et nous-mêmes.»