Depuis cinq ans, la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) s’est constituée partie civile dans des dizaines de procédures de dégazages « ordinaires » en mer. Dans un premier temps, les condamnations ont été exemplaires. Depuis, le bilan est plus mitigé. La LPO demande que le droit international, qui exonère certains navires de poursuites, soit révisé.
Depuis 2005, la LPO s’est constituée partie civile dans plus d’une quarantaine de procédures relatives à des dégazages « ordinaires » de navires en mer (Atlantique-Manche), jugées devant le Tribunal correctionnel de Brest.
Pendant quelques temps, les condamnations ont été exemplaires. Les navires arraisonnés ont versé des cautionnements importants (jusqu’à 1 Million d’euros !) qui permettaient une réparation correcte, sévère et dissuasive de l’État français et une juste indemnisation des parties civiles associatives.
Mais après 5 ans de contentieux, le bilan n’est plus très reluisant. On est en droit de se demander, comme Stéphane Jezequel du Télégramme de Brest[1], s’il « est encore judicieux (pour l’Etat français) d'engager des moyens considérables à l'encontre des navires pollueurs ? ».
En effet, certains procès aboutissent à des échecs pour « avaries » exonératoires de responsabilité (pas de pollution intentionnelle dans les procès Fisher Golf, Chiara DP, Duval et Doujet …).
D’autres s’achèvent par la relaxe des auteurs et l’irrecevabilité des associations au motif que ces navires (armateur et capitaine) ont déjà été condamnés par l’État du pavillon, qu’il soit norvégien, maltais ou lituanien (Transarctic, Fast independance, et très récemment Vytautas…).
Cette dernière pratique est légalisée par des accords internationaux. L’article 228 de la Convention Internationale de Montego Bay oblige ainsi le tribunal du lieu de la pollution à mettre fin automatiquement aux poursuites dès lors que l’État du pavillon en a engagé pour la même infraction et a déjà sanctionné les responsables.
Ainsi, le 20 janvier 2011, dans l’affaire du navire pollueur Vytautas, la Cour d’Appel de Rennes a constaté l’extinction des poursuites en France, les prévenus ayant été condamnés à 22 634 € d’amende par la justice lituanienne. Cette condamnation a fait dire à certains, qu’en matière de pollution par les navires, « la Lituanie écrase les prix » [2]!!).
Pour mémoire, le Tribunal Correctionnel de Brest avait préalablement prononcé une amende de 700 000 € (95 % à la charge de l’armateur) et le versement de dommages et Intérêts aux 10 parties civiles (dont 5 300 € pour la LPO).
Le Secrétaire général de la mer Jean-François Tallec estime qu’il ne faut pas lâcher la pression et « qu’il faut continuer de travailler auprès des États concernés » pour que les sanctions soient conséquentes et dissuasives ».
Pour autant, la LPO reste pessimiste et le cas récent du navire lituanien Vytautas relaxé n’est pas de bon augure.
En effet, quelles « pressions » tangibles l’État français peut-il engager à l’endroit de la justice de Klapeida, Moscou ou des Iles caraïbes Saint-Kitts-et-Nevis pour qu’un navire pollueur ne puisse pas choisir de purger, dans son pays d’origine, la peine la plus avantageuse?
C’est pourquoi, Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO et membre du Comité de Suivi du Grenelle de la Mer, a interpellé la Ministre de l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet, le 10 février dernier, afin qu’elle intervienne pour que ce traité international, portant sur ces aspects de procédure, soit révisé.
Au lendemain de l’adoption par le parlement français du Paquet Erika III, sensé renforcer la protection de l’environnement contre les pollutions marines, la LPO et les 9 autres parties civiles déboutées dans l’affaire Vytautas, comme dans d’autres procès qui ont bénéficié de ce « joker international », dénoncent ces lacunes.
Ces dernières écartent toute réparation objective du préjudice réel de l’Etat « hôte » de la pollution ainsi que la réparation des dommages moraux aux associations de sauvegarde de la nature de l’État pollué.
Allain Bougrain Dubourg,
Président de la LPO
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