Nicolas Sarkozy a contesté, lors de ses vœux au monde rural, les récentes décisions du Conseil d'Etat, ramenant la date de fermeture de la chasse des oies au 31 janvier. Dans le même temps, les responsables de la chasse ont répandu dans les médias l'idée que les organisations de protection de l'environnement n'ont pas respecté les conclusions de la « table ronde chasse ».
France Nature Environnement, la Ligue pour la Protection des Oiseaux, la Ligue Roc et la Fondation pour la Nature et l'Homme regrettent l'intervention hasardeuse du président de la République, et démentent fermement les propos calomnieux qui leur sont prêtés par certaines organisations de chasseurs.
Des accords totalement respectés.
Les associations ont totalement respecté leurs engagements. L'accord signé le 14 janvier 2010 par les chasseurs et les protecteurs stipulait que la date de fermeture de la chasse des oies serait reportée au 10 février tandis que celle des limicoles serait fixée au 31 janvier. Mais l'accord précisait également que ce calendrier n'était adopté que pour l'année 2010 et que les dates seraient revues l'année suivante, en fonction de la décision attendue du Conseil d'Etat sur les dates de chasse des canards, rallidés et limicoles. Les associations ont tenu parole et n'ont pas attaqué les arrêtés de fermeture de l'année 2010.
En juillet 2010, le Conseil d'Etat a rendu sa décision et ramené au 31 janvier la date de fermeture de la chasse des canards, rallidés et limicoles, conformément à la loi. Dès lors, pour éviter le dérangement des autres espèces, la fermeture des oies devait logiquement aussi être fixée au 31 janvier. Les associations ont souhaité, comme prévu par l'accord, en discuter avec les chasseurs mais ceux-ci ont décidé de quitter la table ronde, mettant fin au dialogue. Les associations ont alors déposé un recours en justice, sans renier en rien l'accord sur les dates puisque celui-ci ne portait que sur l'année 2010.
Une gestion hasardeuse de la chasse par le monde politique
En affirmant qu' « il y a des décisions récentes qui ont été prises par le Conseil d'État qui sont vécues par une partie de nos compatriotes comme vraiment un souci non pas de résoudre un problème, mais de les empêcher de profiter de ce que l'on pourrait appeler un petit bonheur », Nicolas Sarkozy remet en cause non seulement le processus de discussion entamé dans la « table ronde chasse », pourtant initiée sous sa responsabilité, mais ignore aussi totalement les recommandations de la communauté scientifiques et ses traductions dans le droit français et européen, alors qu'il a toujours affirmé vouloir traiter le dossier chasse dans le respect des données scientifiques.
Les motivations de nos organisations sont bien la préservation des espèces. Entre un bonheur de court terme satisfaisant un petit nombre et les enjeux de la protection de long terme de la biodiversité, alors que les engagements pris dans ce domaine sont loin d'être tenus, les débats pré-électoraux semblent bénéficier aux premiers. Pourtant, sans respect du droit et des études menées par la communauté scientifique, il n'y a d'avenir ni pour la chasse, ni pour ces espèces.
Annexe – Les principaux enjeux
Moratoires sur la chasse des limicoles
Tirant prétexte de l'arrêt du Conseil d'état, les chasseurs demandent aujourd'hui l'abrogation des moratoires de cinq ans sur la chasse de deux limicoles, le courlis cendré et la barge à queue noire. Or, ces moratoires faisaient partie d'un autre accord, signé le 26 juillet 2008, et avaient pour contrepartie l'avancée de la date d'ouverture de la chasse du gibier d'eau au 21 août. Si les moratoires devaient être supprimés avant leur terme, alors l'ouverture de la chasse devrait simultanément être repoussée au 1er septembre, ce que les chasseurs refusent. Rappelons que le moratoire sur la chasse du courlis et de la barge est motivé par leur inscription sur la liste rouge mondiale des espèces menacées, ainsi que sur la liste rouge nationale. Tant que leur statut de conservation ne se sera pas amélioré, la suspension de leur chasse, déjà effective dans les autres pays d'Europe, demeure parfaitement justifiée.
Les oies aux Pays-Bas
Certains chasseurs vont jusqu'à prétendre que les associations de protection de la nature cautionneraient les méthodes de destruction employées aux Pays-Bas pour protéger les cultures contre les dégâts des oies. Ces accusations sont absurdes et choquantes : il va de soi que nous réprouvons toutes les méthodes cruelles à l'égard de la faune sauvage. En tout état de cause, le rapprochement entre les deux sujets est infondé. Les oies détruites aux Pays-Bas sont essentiellement des sédentaires, alors que les oies migratrices qui transitent par la France en février remontent directement en Norvège et en Suède pour se reproduire. Le Groupe d'Experts sur les Oiseaux et leur Chasse (GEOC, organisme scientifique reconnu par les chasseurs) a indiqué, dans un avis rendu en 2009, que les deux populations d'oies étaient distinctes et que la prolongation de la chasse en février en France ne permettrait pas de réduire les dégâts commis aux Pays-Bas.
La fermeture de la chasse
Aujourd'hui, les arguments tant scientifiques que juridiques plaident pour une fermeture unique de la chasse du gibier d'eau le 31 janvier. Au plan juridique, la directive européenne « oiseaux » et la loi française stipulent que les oiseaux ne doivent pas être chassés durant leur migration prénuptiale. Il s'agit d'une mesure de bon sens : en protégeant les couples reproducteurs, on préserve l'avenir de l'espèce et ses capacités d'adaptation. Au plan scientifique, toutes les études menées en France, que ce soit par la LPO et les groupes ornithologiques ou par l'ONCFS et les fédérations de chasse, montrent que la migration des oies commence dès le mois de janvier et qu'elle devient de plus en plus précoce, probablement en raison du changement climatique. La fermeture de la chasse fin janvier est une simple mesure de bonne gestion patrimoniale : les autres pays d'Europe l'ont bien compris et ferment la chasse du gibier d'eau fin janvier, voire fin décembre. Rappelons que, si les populations d'oies sont en augmentation en Europe, c'est dû à une politique volontariste de protection menée par nos voisins et à l'arrêt de la chasse des oies dans plusieurs pays. Si nous bénéficions indirectement de ces efforts de protection des oies, il est aussi du devoir de la France de ne pas les entraver et de contribuer, par une réglementation cynégétique adaptée, à la conservation de l'avifaune migratrice et du patrimoine naturel européen.
Document
Contacts presse
FNE : Dominique Py 06 88 20 34 21
LPO : Michel Métais 06 08 17 16 77
Ligue Roc : Christophe Aubel 06 71 76 83 77
Fondation pour la Nature et l'Homme : Jean-Jacques Blanchon 06 77 67 50 68