Fort d'une cinquantaine de scientifiques internationaux de renommée mondiale, le Groupe de Travail sur les Pesticides Systémiques (TFSP) s'est réuni du 20 au 23 octobre à Ostheim, en France, pour son huitième séminaire dont la LPO est partenaire.
Le TFSP s'est donné pour but de réaliser en toute indépendance une étude statistique de l'ensemble des articles scientifiques (environ 800) traitant des effets sur les espèces non cibles et les écosystèmes, résultant de l'emploi massif des insecticides systémiques[1] (les néonicotinoïdes et le fipronil).
Les naturalistes du siècle dernier étaient unanimes : rien ne pourrait jamais exterminer ni les insectes, ni les invertébrés… Et bien malheureusement l'usage des insecticides systémiques est en passe d'y parvenir !
Deux grandes crises en témoignent : la première, après la Seconde Guerre mondiale, a failli faire disparaître la plupart des prédateurs en affectant leur reproduction. On se souvient du combat émérite de Rachel Carson contre les organochlorés (dont le DDT).
La seconde grande crise, plus récente, est passée quasiment inaperçue (à l'exception des scientifiques et des apiculteurs). Pourtant, le travail d'analyse des chercheurs est sans appel : les pesticides systémiques sont partout : dans les plantes (y compris sauvages), l'air, l'eau, le sol et leur concentration constitue un risque avéré pour l'environnement, affectant ainsi une catégorie animale trop souvent ignorée : les invertébrés tels que les insectes, les annélides, les crustacés.
Or, nous dépendons entièrement des « services écosystémiques » qu'ils nous rendent gracieusement : décomposition de la matière organique morte, hygiénisation des sols et de l'eau, élaboration constante des sols[2] et leur perméabilisation, pollinisation, lutte biologique…
La LPO rappelle que la disparition des oiseaux est une conséquence inhérente de la perte des invertébrés dont ils dépendent. Elle souhaite également rendre hommage et se joindre à tous ces chercheurs qui mettent au service de la connaissance leurs compétences et entendent partager cette connaissance avec le grand public.
Allain Bougrain Dubourg
[1] Systémique : l'insecticide est absorbé par la plante dans laquelle il se répand grâce au transport de la sève brute (Xylème), et de la sève élaborée (Phloème) dans sa totalité, de la racine au pollen, au nectar comme à la guttation (exsudat liquide des feuilles).
[2] L'exemple des sols est frappant. Les sols hébergent ceux qui les produisent, soit 80% de la biomasse animale émergée. Même si les champignons et les bactéries accomplissent des rôles irremplaçables, les vers de terre représentent l'essentiel de cette biomasse. Ils aèrent le sol grâce à 4000km/ha de galeries et à la formation d'agrégats (terre grumeleuse). Ils mélangent intimement la matière organique fraîche, âgée, fermentée et minérale produisant bon an mal an 300t/ha/an de complexe argilo-humique. Si toutefois leur biomasse est de 2 à 4t/ha...C'était vrai avant-hier. Aujourd'hui, l'agro-industrie, en particulier en raison de l'usage de ces pesticides, en a réduit l'importance à 50kg/ha. Une misère ! Sans galerie, les sols se tassent et aggravent les inondations faute d'infiltration. Sans vers de terre, les sols perdent de 10 à 40t/ha/an de leur substance. L'érosion est en marche. Il n'y a pas d'avenir sans biodiversité : nous en sommes dépendants !
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Le document complet de 300 pages publié par Springer, réparti en huit articles scientifiques et soumis au comité de lecture, est en ligne et en accès libre depuis mi-octobre sur www.tfsp.info sous le titre Worldwilde Integrated Assessment of the Impact of Systemic Pesticides on Biodiversity and Ecosystems. Il sera prochainement mis en ligne en français, sur le site de la LPO France.
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