On se souvient de l’émotion suscitée par l’autorisation de rejet d’effluents liquides en mer donnée à la Société ALTEO de G ARDANNE par le Préfet des Bouches-du-Rhône sur injonction du Premier de Ministre il y a plus de deux ans, malgré l’opposition de la Ministre de l’Environnement.
En effet, cette décision a permis à ALTEO de poursuivre ses rejets en Méditerranée, au cœur du Parc national des Calanques et au mépris de la Convention de Barcelone pourtant signée par la France 50 ans plus tôt. Saisi par la LPO, le Tribunal administratif de Marseille a, le 20 juillet 2018, réformé l’autorisation et enjoint au Préfet de produire une nouvelle étude d’impact.
Ainsi, suivant les moyens soulevés par la LPO et d’autres associations, les juges ont :
- réformé l’autorisation donnée à ALTEO le 28 décembre 2015 de déroger aux valeurs limites d’émission concernant 6 paramètres polluants (arsenic, aluminium, fer, pH, DBO5 et DCO) en ramenant le terme de cette autorisation du 31 décembre 2021 au 31 décembre 2019, en raison de l’existence d’incertitudes techniques résiduelles quant à l’impact environnemental et sanitaire à long terme des substances rejetées dans la mer Méditerranée et de la nécessité de mieux protéger, au plus tôt, l’environnement marin, auquel la dérogation portait une atteinte excessive.
Contrairement à ce que l’exploitant et le Préfet soutenait, le Tribunal a considéré qu’ALTEO dispose des moyens techniques pour parvenir à respecter les valeurs limites d’émission imposées par la réglementation d’ici au 31 décembre 2019, à charge pour elle d’accélérer ses recherches si nécessaire.
- imposé au Préfet de demander à ALTEO la production d’une étude d’impact complétée comprenant une analyse des impacts sanitaires et environnementaux cumulés des rejets en mer et du stockage des boues rouges à terre sur le site de MANGE-GARRI, à BOUC BEL AIR, puis, une fois l’étude produite, d’organiser une nouvelle enquête publique et d’adopter un arrêté préfectoral comprenant des prescriptions complémentaires, dans un délai de 6 mois à compter de la notification de sa décision.
A défaut de régularisation dans ce délai de 6 mois, le Tribunal annulera l’autorisation du 28 décembre 2015 délivrée à ALTEO de rejeter les effluents résiduels liquides de son usine d’alumine de GARDANNE en mer.
Ils ont ainsi confirmé pour l’essentiel les conclusions exposées par le rapporteur public lors de l’audience du 14 juin 2018 par devant le Tribunal Administratif, lequel s’était prononcé en tenant compte des enjeux économiques et sociaux importants (440 emplois directs et 300 indirects).
Retour sur les faits marquants
Depuis 1966, l'usine d'alumine a le droit de rejeter les résidus solides du traitement de la bauxite. Et ce à une profondeur de 320 mètres dans un canyon marin au cœur du Parc national des Calanques de Cassis.
En un demi-siècle, ce sont quelques 20 millions de tonnes de boues rouges qui ont été déversées sur plus de 2.000 km2 de fonds marins, en dépit de la convention de Barcelone signée en 1996. Aluminium Pechiney, alors exploitant du site de Gardanne, avait pris l’engagement de diminuer progressivement les rejets solides (ou "boues rouges") en mer, jusqu’à un arrêt complet au 31 décembre 2015.
Pourtant, en 2014, selon les préconisations de la profession (International Aluminium Institute et European Aluminium Association) « il est accepté par l’industrie que le déversement de résidus de bauxite en mer ou dans un estuaire cessera d’ici 2016 ».
Depuis 2016, de nombreux incidents sont survenus. La préfecture des Bouches-du-Rhône a mis plusieurs fois en demeure la société Alteo de respecter ses obligations, notamment en avril et mai 2018.
Le 25 mai dernier, Brune Poirson, la secrétaire d'Etat auprès de Nicolas Hulot, avait indiqué sur France Bleu Provence que l’usine de Mange-Garri qui stocke des centaines de tonnes de résidus de bauxite à ciel ouvert avait pris « les mesures nécessaires ». Celles-ci faisaient suite à la plainte du maire du Bouc-Bel-Air pour pollution de l’air par Altéo, suite à la dispersion de poussières rouges « le fameux nuage de boue rouge » qui s’était envolé au-dessus du village.
Bien que la LPO aurait préféré une annulation pure et simple de l’autorisation délivrée à ALTEO de rejeter ses effluents liquides industriels, ce jugement est une bonne nouvelle pour tous ceux qui considèrent que la mer Méditerranée n’est pas une poubelle, que les engagements internationaux de la France ont un sens y compris lorsqu’il s’agit d’environnement, et que la santé de nos concitoyens doit primer.
La société Altéo avait des dizaines d’années pour s’adapter. Les échéances de respect de la convention de Barcelone étaient connues. Le chantage à l’emploi après coup montre, si besoin était, que l’Etat, certaines collectivités et certains industriels n’ont toujours pas compris la nécessité d’intégrer les enjeux environnementaux en amont.
La LPO espère désormais qu’ALTEO et l’Etat se conformeront à la décision du Tribunal et prendront toutes les mesures nécessaires pour mieux protéger l’environnement et la santé des personnes. En fonction des mesures réellement prises pour régulariser la situation, la LPO décidera d’un éventuel appel de cette décision ou non.
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