Alors que la France se vante de vouloir faire de la biodiversité une priorité en 2019, le ministère en charge de l’écologie s’apprête à signer un arrêté permettant aux chasseurs de tuer les oies migratrices en février, après la date officielle de fermeture, et ce en totale contradiction avec la Directive européenne de 1979 qui protège les oiseaux. La LPO rappelle que 11 arrêts concordants du Conseil d’Etat ont confirmé, année après année, que la date de fermeture doit être le 31 janvier afin de respecter la migration pré nuptiale des oiseaux. Toutes les tentatives visant à contourner les réalités biologiques et exigences juridiques ont échoué.

 

image actu oiescendrees fcahez 650Oies cendrées (Anser anser) – Crédit photo : Fabrice Cahez

La LPO invite à une mobilisation des Françaises et des Français pour témoigner de leur opposition à ce projet sur le site de la consultation publique avant le 25 janvier

François de Rugy successeur de Nicolas Hulot (dont on comprend encore mieux sa démission au lendemain de la réunion entre le Président Macron et le Président de la Fédération Nationale des Chasseurs), s’apprête à autoriser la chasse aux oies cendrées jusqu’au 28 février (!), celle aux oies rieuses et oies des moissons jusqu’au 10 février. Le 25 janvier 2017, interpellée par un député de l’Assemblée Nationale qui lui demandait comment elle comptait procéder pour permettre la chasse des oies cendrées après la fermeture, Ségolène Royal, alors Ministre, avait répondu « je ne vous conseillerais pas de me demander un nouvel arrêté, je n’ai pas la base juridique pour le faire : cet arrêté serait immédiatement annulé par le Conseil d’Etat. En revanche ce que je puis vous dire… c’est que je vais renouveler le dispositif de bon sens que j’avais trouvé l’année dernière et l’année d’avant, et par conséquent il n’y aura pas de verbalisation jusqu’au 10 février ».

Effectivement, questionné par cette même Ministre, le Commissaire européen Karmenu Vella lui avait expliqué le 13 mars 2015 avec un argumentaire complet pourquoi il n’était pas possible de déroger à la Directive européenne qui protège les oiseaux migrateurs (1). La Cour de Justice de l’Union Européenne a déjà jugé en 2003 qu’une dérogation au titre de l’article 9 de la Directive oiseaux ne peut avoir pour réel objectif de prolonger la période de chasse.

Sollicité par la LPO, le Conseil d’Etat a, pour sa part, cassé 11 fois les précédentes tentatives des ministres successifs (2). Dans son contrôle de légalité sur un projet de loi contre la sur-transposition des directives européennes fin 2018, le Conseil d’Etat a jugé utile de rappeler au gouvernement que « l’utilisation de cette nouvelle dérogation sera, au cas par cas, subordonnée à la justification d’une finalité qui est la prévention des dommages importants causés en France aux cultures… et la démonstration qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante que la chasse ».

La LPO tient à rappeler une nouvelle fois que les oies qui migrent par la France ne sont pas celles, semi-domestiques et sédentaires qui causent des dégâts aux Pays-Bas.
Et que la migration des oies cendrées commence bien lors de la troisième décade de janvier. Les études les plus sérieuses en témoignent, dont celle de l’ONCFS. Elle souligne qu’il n’y pas de dégâts aux cultures en France. D’ailleurs l’Etat français est bien incapable de produire des témoignages.
Entre 7000 et 14.000 oies cendrées (les chasseurs ne comptent pas et ne communiquent pas leurs tableaux de chasse d’où ces approximations) et 5000 à 8000 oies rieuses sont déjà tuées chaque année au fusil en France (3) sans qu’il soit besoin d’en rajouter.

Preuve supplémentaire s’il était besoin de la manipulation du gouvernement à des fins électoralistes, ce même Ministère en charge de l’écologie expliquait fin 2018 la nécessité de créer un nouveau conseil scientifique chargée d’examiner l’état de conservation des espèces à des fins de « gestion adaptative » (4). Avant même d’avoir constitué ledit conseil, il lui attribuait l’examen en urgence et avant la fin 2018 de 6 espèces dont 5 effectivement en mauvais état de conservation et inscrits comme telles sur les listes rouges de l’UICN. La 6ème qui nécessitait une analyse fine était… l’oie cendrée ! Le conseil vient juste d’être nommé, il n’a pas encore été réuni que déjà ses conclusions sont connues !

Une telle décision serait un recul considérable dans la gestion des espèces chassables et, dans le développement d’une chasse raisonnée et durable qui est de l’intérêt de tous (5). Tout d’abord, la notion d’une population européenne unique d’oie cendrée est abusive : ainsi, les oies cendrées de Pays-Bas sont fortement sédentaires. La notion fictive de population européenne serait donc utilisée pour permettre des tirs en France sous le prétexte des dégâts agricoles connus dans d’autres pays. Ensuite, la chasse en postes fixes et/ou de nuit aurait lieu en février dans des milieux fréquentés par d’autres oiseaux d’eau, et impacterait inévitablement d’autres espèces non chassables à cette date par le dérangement et par des erreurs d’identification. Face à une précocité de plus en plus marquée des migrations de retour du fait du changement climatique, ce point devrait être absolument prioritaire pour le ministère en charge de l’environnement, dans l’esprit de la directive « oiseaux » qui est fondée sur des arguments scientifiques incontestables.

Allain Bougrain Dubourg s’étonne « de la proximité du chef de l’Etat avec le monde de la chasse le plus rétrograde. Comment peut-on conforter les chasses traditionnelles les plus cruelles et non sélectives, vouloir chasser les oiseaux migrateurs et rétablir les chasses présidentielles ? Et se mettre à dos la majorité des Françaises et des Français puisque tous les sondages sur ces sujets de protection de la nature sont concordants ». Il ajoute que la LPO est d’ores et déjà prête à un 12ème recours avec demande de référé suspensif devant le Conseil d’Etat ».

Notes :
(1), (2), (3), (4), (5) 

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