Saisi par la LPO, le Conseil d’Etat a suspendu en référé ce 26 août 2019 l’arrêté ministériel autorisant la chasse du Courlis cendré, un oiseau inscrit sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN. La stratégie gouvernementale d’utiliser le principe de « gestion adaptative » dans le but de laisser perdurer la chasse d’espèces sauvages vulnérables est à nouveau mise en échec.

Ignorant le mauvais état de conservation de cette espèce de limicole chassable, l’opposition d’une large majorité de citoyens, l’avis négatif des experts scientifiques du CEGA* et les engagements internationaux de la France, la ministre Elizabeth Borne avait autorisé, par un arrêté signé le 31 juillet 2019, la chasse de 6 000 Courlis cendrés. Saisi en urgence par la LPO, le Conseil d’Etat vient de suspendre cet arrêté, comme il il l’avait fait au sujet de la prolongation de la chasse aux oies migratrices en février dernier !).


Le projet soumis à consultation publique avait recueilli plus de 8 000 observations du public dont 62% d’avis défavorables malgré la mobilisation des chasseurs. Non seulement le gouvernement n’en a pas tenu compte, mais l’arrêté signé est beaucoup plus permissif que le texte initial qui imposait le tir à poste fixe et l’analyse par l’ONCFS d’une aile prélevée sur chacun des 6 000 Courlis abattus. Dans sa version finale, il autorise ainsi tous les modes de chasse tandis que l’échantillonnage est réduit à 10% des ailes, tout en étant cette fois confié aux techniciens des fédérations départementales de chasseurs !

Engagée au sein de l’AEWA**, la France était censée suspendre la chasse de cette espèce dans l’attente de la mise en place d’une réelle gestion adaptative des prélèvements. Durant ces dernières années, elle avait contourné cette obligation en instituant un moratoire de chasse hypocrite excluant le domaine public maritime, là où se concentrent justement les populations de Courlis. Quand le CEGA a recommandé de stopper sans plus tarder les prélèvements de Courlis cendrés (avis du 13/05/2019), on aurait pu croire que la France allait enfin se mettre en conformité avec ses obligations internationales.

C’était sans compter sur l’efficacité du lobbying cynégétique au plus haut sommet de l’Etat. La LPO a donc attaqué l’arrêté moratoire autorisant la chasse du Courlis dès sa publication et pour espérer une décision efficace, a également engagé un référé-suspension dans l’urgence puisque sa chasse était ouverte depuis le 1er samedi d’août.

L’arrêté litigieux n’a pas été considéré par le Conseil d‘Etat comme conforme à une gestion « adaptative ». La plus haute juridiction française a demandé que les prélèvements de Courlis cendrés ne dépassent pas le nombre de… zéro !

Par ailleurs, la Tourterelle des bois fournit un autre exemple consternant du non respect de la biodiversité : la ministre en charge de l’Ecologie s'apprête à prendre un arrêté pour tuer 30 000 individus alors que l’espèce est menacée d’extinction au niveau mondial !

En réalité, sur un total de 64 espèces d’oiseaux aujourd’hui chassées en France (un record en Europe), 20 sont en mauvais état de conservation et inscrites sur les listes rouges de l’UICN. Le 25 juillet dernier, suite à une plainte de la LPO, la Commission européenne a d’ailleurs mis en demeure la France pour manquement à ses obligations de protection des espèces menacées. Sont particulièrement visés la chasse des oiseaux migrateurs, d’espèces en mauvais état de conservation et le piégeage indifférencié sous prétexte de tradition.

Pour Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO : « Le Conseil d’Etat vient de rappeler le gouvernement à ses obligations s’agissant du Courlis cendré. Nous attendons maintenant avec inquiétude et détermination la décision de la ministre sur la Tourterelle des bois. Inquiétude car il y a fort à craindre qu’elle autorisera à nouveau la chasse d’une espèce en très mauvais état de conservation; détermination car toutes ces décisions incompréhensibles nourrissent la plainte de la LPO au niveau européen ».

*CEGA : Comité d’Experts sur la gestion Adaptative
**AEWA : accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie