La LPO revient sur une des pires catastrophes de l’histoire pour les oiseaux marins

Le 12 décembre 1999, le pétrolier maltais Erika affrété par la société Total, en provenance de Dunkerque (59) et à destination de l’Italie, se brise en deux et déverse 20 000 tonnes de fioul au large du Finistère, avant de sombrer immédiatement. La LPO met en place une cellule de crise afin d’élaborer un Plan national de sauvegarde des oiseaux mazoutés (PNSOM) et, face à l’ampleur de la catastrophe, décide de suspendre toutes ses autres activités. L’ensemble des salariés et bénévoles se mobilise afin d’organiser le ramassage des oiseaux mazoutés et d’installer dans l’urgence des structures de soins. Malgré l’hiver, les fêtes de fin d’année et la « tempête du siècle » du 26 décembre 1999, plus de 8 000 personnes se succéderont pendant plusieurs mois pour gérer la crise et secourir les oiseaux.

Une ampleur sans précédent

Le naufrage de l’Erika reste à ce jour la catastrophe la plus meurtrière pour l’avifaune marine en France. Sur les 74 000 oiseaux mazoutés identifiés de décembre 1999 à mars 2001, 36 000 ont été recueillis vivants, mais seuls 2 200 ont finalement pu être relâchés en bonne santé. Les autres n’ont pas survécu aux dégâts causés par le pétrole sur leur organisme. Ces chiffres effroyables ne sont en outre que partiels : beaucoup d’autres animaux marins ont coulé au fond de l’océan sans jamais venir s’échouer sur les côtes. Selon les estimations, environ 150 000 oiseaux auraient en réalité succombé à la pollution.

Faire reconnaître le préjudice écologique

Dès le début de la procédure judiciaire, la LPO demande la reconnaissance du préjudice écologique causé par le naufrage de l’Erika. Auditionné en sa qualité de président de la LPO, Allain Bougrain Dubourg déclare alors : « Les dégâts pour l’ostréiculture, la pêche ou la conchyliculture sont légitimement reconnus, mais le préjudice écologique ne l’a encore jamais été ! L’enjeu majeur pour la LPO est de faire admettre la reconnaissance du vivant non commercial. »
Près de 10 ans après la catastrophe, en 2008, le Tribunal correctionnel de Paris donne raison à la LPO. Sa décision historique est confirmée en appel en 2010, puis par la Cour de cassation en 2012, avec un préjudice écologique finalement établi à 13 millions d’euros.
Jusqu’alors simple jurisprudence, le préjudice écologique devient officiellement inscrit dans le code civil par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages :
Art. 1246 - Toute personne responsable d'un préjudice écologique est tenue de le réparer.
Art. 1247 - Est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement

Nos sympathisants ont payé à la place du FIPOL

En revanche, la LPO a perdu la bataille qui l’opposait au FIPOL, le Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures. Considérant que la LPO avait bénéficié de dons de la part de ses adhérents et sympathisants pour faire face à cette catastrophe, le TGI de Paris l’a débouté de ses demandes de remboursement par le FIPOL en février 2005.
La LPO a encore récemment alerté le secrétaire d’État Gabriel Attal pour que soient corrigés les textes qui ont abouti à cette situation éthiquement inacceptable, la demande est restée sans réponse.
Quelles avancées depuis l’Erika ?
Suite au naufrage de l’Erika, l’arsenal législatif relatif au risque de marée noire a été renforcé par le Parlement européen, conduisant notamment à la généralisation des pétroliers à double coque, à une meilleure surveillance du trafic maritime et au renforcement des mesures de contrôle des navires et des sociétés de classification.
Un important travail de révision des plans d’urgence a également été mené avec l’intégration d’un volet pollution maritime dans le dispositif ORSEC (organisation de la réponse de sécurité civile) afin d’améliorer en particulier le confinement et la récupération des polluants en mer, le nettoyage du littoral et la prise en charge de la faune sauvage intoxiquée.
Les risques de nouvelles marées noires n’ont toutefois pas disparu, tandis que les dégazages illégaux demeurent fréquents au large des côtes françaises, avec des conséquences non négligeables pour la faune marine. Pour Anne-Laure Dugué, responsable du programme Faune en détresse à la LPO : « Afin de pouvoir faire face à de graves catastrophes telles que le naufrage de l’Erika, il est crucial de développer et maintenir une importante capacité d’accueil et de soins pour la faune sauvage sur l’ensemble du territoire et de renforcer la coordination entre les différents acteurs impliqués. »

 

Plus d’informations : dossier de presse Erika, 20 ans après