Sous prétexte de tradition, les dérogations françaises cachent des trafics juteux
Un homme sera jugé le 17 septembre prochain pour destruction d’espèces protégées par le tribunal de Dax après avoir capturé en huit ans plus de 10.000 oiseaux destinés à la vente. Partie civile, la LPO appelle le gouvernement français à prendre ses responsabilités en matière de protection de la biodiversité.
Interpellé le 19 décembre 2019 après quatre ans d’enquête, un Landais a reconnu avoir braconné depuis 2011 plus de 10.000 petits passereaux, dont certaines espèces protégées (rouge-gorge, pinsons, mésanges...), plumés, embrochés, congelés, puis revendus ensuite à quelques clients aisés pour être consommés. Pour mémoire le Président de la Chambre d’agriculture des Landes, lui-même condamné de manière définitive pour braconnage de bruants ortolan, a revendiqué publiquement ces pratiques délictuelles. Et la Fédération départementale des chasseurs des Landes demande année après année à pouvoir piéger 30.000 pinsons dans les mêmes conditions.
25 euros la brochette
L’affaire démarre en 2015 lorsque des agents de l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) repèrent un homme capturant à la matole (cage grillagée tombante) des oiseaux dans des forêts à proximité de Dax (40). Déjà condamné à 2 reprises pour des faits similaires, ce dernier finançait ses voyages en Espagne en écoulant ses proies sous forme de brochettes vendues entre 25 et 30 euros l’unité. Le montant total de son trafic depuis 2011 a été estimé à 50.000 euros. Le braconnier et trois de ses plus gros acheteurs, dont un ancien international de rugby, seront convoqués devant le tribunal correctionnel de Dax en septembre prochain. Compte tenu de la prescription des faits entre 2011 et 2013, la justice ne pourra retenir que 8.500 des 10.000 oiseaux braconnés.
BirdLife International estime que plus d’un demi million de passereaux sont ainsi braconnés en France chaque année à des fins gastronomiques ou pour leur qualité d’oiseaux chanteurs.
L’Etat français laxiste
Ce braconnage est facilité par le gouvernement français qui s’obstine à autoriser des pratiques de piégeage cruelles et non sélectives. Le 25 juillet dernier, la Commission Européenne a d’ailleurs mis en demeure la France pour manquement à ses obligations de protection des espèces menacées, ciblant notamment leur piégeage indifférencié sous prétexte de traditions. Pour rappel, onze arrêtés ministériels publiés au Journal Officiel le 3 septembre 2019 fixent des quotas de captures traditionnelles pour plus de 150000 oiseaux sauvages dans plusieurs départements français : en région Paca avec de la glu ; dans le Massif central avec des pierres plates ; dans les Ardennes à l’aide de nœuds coulants ; dans le Sud-Ouest avec des matoles et des filets. La LPO a démontré a plusieurs reprises que ces pratiques ne permettaient pas de cibler uniquement les espèces autorisées (alouettes, merles, grives, vanneaux, pluviers) et que des espèces protégées en étaient aussi fréquemment victimes.
Pour Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO : « Emmanuel Macron vient d’annoncer un changement de politique en faveur de la biodiversité et se réjouit d’accueillir au mois de juin le Congrès Mondial de la Nature à Marseille. Il serait temps que l'Etat mette l'affichage en conformité avec la réalité. En attendant, nous assistons à une agonie inacceptable de la faune sauvage. »
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