A 5 mois d’accueillir le Congrès mondial de l’Union Internationale de Protection de la Nature à Marseille, la France autorise la chasse d’une espèce menacée d’extinction, classée sur les listes rouges de l’UICN. La LPO a décidé de réagir devant le Conseil d'Etat.
Peu importe les courriers des grandes ONG du Royaume Uni, de l’Allemagne, des Pays Bas… demandant à la France de ne plus tirer sur cette espèce migratrice devenue très rare dans leur pays.
Peu importe que, en 2018, la Commission Européenne ait demandé aux Etats membres de suspendre la chasse de cet oiseau. Peu importe l’ouverture d’une infraction contre la France sur ce même sujet en juillet 2020.
Peu importe que le Comité des experts de la gestion adaptative ait conclu en mai 2019 et réitéré en juin 2020 sur la nécessité de stopper la chasse de cette espèce (1). Il a suffi au Ministère normalement chargé de préserver la faune sauvage, d’exiger dudit comité qu’il refasse ses calculs pour arriver à un quota positif. Le chiffre de 18.000 prélèvements fut ainsi sorti des modèles populationnels de la plateforme technique du CEGA en précisant que la probabilité de stabiliser les populations équivaut alors à une chance sur deux, et qu’elle dépend de la bonne disposition des autres pays à réduire également leurs prélèvements !
Peu importe que l’arrêté pour la saison 2019-2020 ait été attaqué par la LPO et soit en attente de jugement.
Peu importe que les chasseurs n’aient déclaré «que » 4000 tourterelles tuées pour la saison 2019-2020, preuve s’il était besoin que les tableaux de chasse ne sont pas transparents ni exhaustifs (2)
Peu importe que sur les quelques 20.000 contributions sur le Site de la consultation publique du Ministère cet été, plus de 77% soient défavorables à cet arrêté. Et que le Ministère ait présenté les choses de manière subjective en faisant croire que les experts avaient préconisé deux scénarios, avant de corriger le texte une semaine seulement avant la fin de la consultation (3)
Peu importe le courrier du Comité français de l’UICN du 20 août alertant le Président de la République sur l’état de conservation défavorable de la Tourterelle des bois. Et lui rappelant ses engagements de retirer des espèces chassables celles en mauvais état de conservation.
Comme les années précédentes, le Ministère de la chasse prend l’arrêté contestable la veille de son application, afin de permettre, même en cas de recours de la LPO à la procédure d’urgence (référé-suspension), la chasse pendant 10 à 15 jours, avant toute décision du Conseil d‘Etat.
Aujourd’hui, jour de sa publication au JO, la LPO a attaqué l’arrêté litigieux, demandant d’urgence sa suspension immédiate à la haute juridiction administrative.
Pour Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO : « C’était trop beau : chaque année, près de 30 000 tourterelles des bois étaient abattues illégalement en pleine période de reproduction dans le Médoc. Nous nous sommes battus durant 20 ans pour mettre un terme à ce massacre. Cette année, seules 5 000 tourterelles ont été comptabilisées. Il est insupportable de continuer à abattre une espèce à l'agonie. Hier nous apprenions la fin heureuse du piégeage à la glu, obtenue sous la menace d’une poursuite de la France par la Commission Européenne devant la Cour de Justice de l’Union Européenne. L’infraction ouverte cotre la France et le fait que ce soit le seul et dernier pays à laisser faire de telle pratiques aurait dû suffire. Mais non, il fallait sûrement faire un nouveau cadeau aux chasseurs ! »
(1) « Étant donné le déclin prononcé et continu de la Tourterelle des bois (Streptopelia turtur) depuis 40 ans, espèce inscrite sur la Liste Rouge mondiale de l’UICN, la solution à préconiser pour maximiser les chances d’une stabilisation des effectifs à court terme, et permettre une éventuelle restauration des effectifs à des valeurs proches de celles observées dans les années 2000, sur le long terme, passe par la mise en place temporaire de quotas de prélèvement fixés à 0. Les modèles démographiques développés par la plate-forme de gestion adaptative ONCFS MNHN indiquent que, même dans cette configuration restrictive, la probabilité que le déclin de la population se poursuive reste élevée (43%). »
(2) La dernière estimation sérieuse, conduite par l’ONCFS, portait sur la saison 2013-2014. Elle concluait à un prélèvement de l’ordre de 90.000.