Ce vendredi, le juge des référés du Conseil d‘État vient de suspendre, à partir de ce soir, la chasse des tourterelles des bois sur tout le territoire français.
La veille, jeudi 10 septembre, Allain Bougrain Dubourg, s’était rendu à l’audience de référé pour défendre son recours LPO contre l’arrêté de Mme la Ministre de la Transition Ecologique en date du 28 août qui autorisait dès le 29 août, le prélèvement de 17 460 tourterelles des bois en France.
Comme l’an dernier, et alors que la consultation publique sur le projet d’arrêté était déjà clôturée depuis le 12 août 2020, la Ministre a publié l’arrêté, au dernier moment, un vendredi, veille d’un week-end et de l’ouverture de la chasse à la tourterelle ce qui a permis de tirer près de 7 000 tourterelles depuis le 29 août, entravant ainsi tout recours immédiat de la LPO avant l'ouverture.
Comme l’an dernier, la LPO a attaqué l’arrêté meurtrier le jour-même de sa publication (JO du 28/08/20) pour demander son annulation mais comme le précédent recours (2019) n’a pas été encore jugé au fond, 1 an après, la LPO a ajouté une demande de référé-suspension pour avoir une chance cette année de stopper la chasse des tourterelles avant que le quota ne soit atteint.
Sans doute Mme Pompili pensait- elle qu’en n’autorisant pas les gluaux cette année, la LPO allait fermer les yeux sur les autres scandales cynégétiques et notamment le tir de près de 18 000 tourterelles des bois en déclin dramatique alors que :
- l’espèce est mondialement menacée avec des effectifs en Europe en chute libre (-80% depuis 1980) ;
- la Commission européenne a mis en demeure l’Etat français de mettre en œuvre toutes les mesures pour favoriser un retour à un bon état de conservation et notamment de stopper sa chasse conformément au plan d’action international de conservation de l’espèce ;
- que la chasse d’une espèce en déclin impose qu’elle soit intégrée dans un plan de gestion effectif comprenant aussi des mesures de conservation des habitats de ladite espèce et que leur efficacité ait été évaluée. Or elles n’existent pas ou peu en France et ne sont pas évaluées ;
- que de l’avis des experts du CEGA (1) exprimé en mai 2019 et réitéré en 2020, le seul quota admissible est un quota « 0 » si l’on veut avoir une chance d’enrayer le déclin de la population ;
- Et enfin, que la consultation publique (> 19 000 contributions) a conclu à 77 % d’avis contre la chasse à la tourterelle.
L’Etat, sous la pression d’un Président de la République qui « chérit la chasse » selon les dires de Mme La Ministre elle-même (cf. France Inter- le Gd entretien du 8/09/2020), a cédé à la FNC, lobby des chasseurs, et accordé comme l’an dernier, à quelques oiseaux près, un quota de tirs » de 17 460 tourterelles à tuer en assurant que les prélèvements seraient encadrés, analysés et comptabilisés en temps réels grâce à l’application « Chass Adapt ».
Pourtant, ce même Président Macron s’était engagé par écrit auprès de la LPO lorsqu’il était candidat, à retirer les espèces en mauvais état de conservation de la liste des espèces chassables.Qu'en est-il de cette promesse aujourd'hui s'agissant de la tourterelle des bois gravement menacée?
Les seules 4000 tourterelles déclarées tuées l’an dernier montrent que l’outil ChassAdapt n’est pas opérationnel et ne représente que les prises déclarées loin de la réalité du tableau de chasse effectif. Ainsi, ce 10 septembre, près de 7000 tourterelles tirées étaient déjà enregistrées sur l’application mobile des chasseurs. Qu’en est-il du tableau de chasse en réalité ?
La LPO persistera sur ce dossier qui concerne une espèce prioritaire pour la biodiversité, pour laquelle elle se bat depuis plus de 40 ans et a obtenu en 2005 la fin du braconnage pratiqué pendant des décennies au mois de mai dans le Médoc (Gironde).
ordonnance du Conseil d‘ETAT rendue ce 11 septembre 2020
- En 2019, le Comité des Experts de la Gestion Adaptative (CEGA) avait conclu à la nécessité de stopper la chasse de cette espèce dans les termes suivants : « Étant donné le déclin prononcé et continu de la Tourterelle des bois (Streptopelia turtur) depuis 40 ans, espèce inscrite sur la liste rouge mondiale de l’UICN, la solution à préconiser pour maximiser les chances d’une stabilisation des effectifs à court terme, et permettre une éventuelle restauration des effectifs à des valeurs proches de celles observées dans les années 2000, sur le long terme, passe par la mise en place temporaire de quotas de prélèvement fixés à 0. Les modèles démographiques développés par la plateforme de gestion adaptative ONCFS-MNHN indiquent que, même dans cette configuration restrictive, la probabilité que le déclin de la population se poursuive reste élevée (43%). ». En 2020, le comité a réitéré son avis considérant le manque de nouveaux éléments propres à modifier son avis de l’an passé.