Alors que des millions de français sont confinés et ne peuvent pas se promener à plus d’un kilomètre de chez eux, à juste titre s’agissant de réduire la mise en danger des populations, quelques dizaines de milliers d’entre eux ont pourtant été autorisés à se rendre dans la nature sous prétexte d’absolue nécessité de régulation des espèces susceptibles de causer des dommages. Mais quelle était l’urgence dans la plupart des cas au regard d’une crise sanitaire sans précédent ? La LPO et l’ASPAS saisissent la justice.
En temps normal déjà, la destruction systématique et massive de certaines espèces est sujette à discussions tant les dégâts sont trop souvent fantaisistes et rarement vérifiés, de même les effets indésirables non mesurés, pas plus que l’efficacité de ces destructions préventives. En pleine période de COVID-19, doublée d’un risque avéré de grippe aviaire puisque l’ensemble du territoire métropolitain vient d’être placé en vigilance risque élevé, ces dérogations témoignent, pour un trop grand nombre d’entre elles, d’un laxisme administratif incompréhensible. Ainsi, l’Administration autorise des regroupements de chasseurs en battues jusqu’à 30, voire 50 personnes, sans limite de durée, de jours, de distance du domicile…
La circulaire ministérielle du 31 octobre encadrant les possibles dérogations avait pourtant bien interdit la chasse dite « de loisir ». C’était sans compter sur le poids du lobby cynégétique qui a su obtenir de véritables passe-droits. D’ailleurs certains chasseurs ne se privent pas de clamer qu’ils ont gagné sur les réseaux sociaux et dans la presse.
Vous voulez nourrir vos appelants ?
Cochez la case 3 qui indique « Consultations, examens et soins ne pouvant être assurés à distance et l’achat de médicaments » ;
Vous voulez chasser autour de chez vous ?
Cochez la case 6 « Déplacements brefs dans la limite d’une heure quotidienne et dans le rayon d’1 km du domicile » ;
Vous voulez aller tirer des sangliers, cerfs, daims, un peu partout en France, ou des chamois (comme dans le Haut Rhin et la Haute Saône), des mouflons (comme en Lozère ou dans l’Hérault), des renards, blaireaux (comme dans le Territoire de Belfort), les pigeons ramiers (comme dans le Lot et Garonne), des corneilles et même les cormorans pourtant protégés (en Charente, Loire Atlantique, Maine et Loire et Haute Vienne) ?
Cochez la case 8 « Participation à des missions d’intérêt général ».
Tout aussi inacceptable, des espèces qui n’étaient pas jugées comme susceptibles de causer des dégâts à cette époque de l’année, faute de semis par exemple, le deviennent sous le coup de cette crise sanitaire. C’est le cas du pigeon ramier.
Certes, un trop grand nombre de sangliers peut causer et cause des dégâts agricoles et économiques. Mais pourquoi alors ne pas interdire l’agrainage ou les chasses en enclos ? Les sangliers peuvent être tirés toute l'année. On ne fera croire à personne qu'interrompre la chasse pendant le mois de confinement va conduire à une invasion incontrôlable par les sangliers. Rappelons que les mises bas ont lieu de février à juin et qu'il n'y a pas de naissance de sangliers en automne. Cela signifie, qu’en l'absence de chasse durant le mois de novembre, le nombre de sangliers début décembre sera, au pire, le même que celui début novembre. En cas d’urgence, le Préfet dispose toujours de la possibilité d’organiser des chasses administratives sous la direction et le contrôle de la louveterie et des agents de l’OFB. La menace d'une invasion, si la chasse est suspendue pendant le confinement, relève donc du fantasme plus que de la réalité.
Le Président de la Fédération Nationale des Chasseurs, Président également de la Fédération Départementale des Chasseurs du Pas-de-Calais, a même tenté, sans succès il est vrai, d’obtenir le droit de chasser les perdrix, faisans et autres lièvres ! Seraient-ils également nuisibles aux cultures ? Mais alors pourquoi lâcher 15 millions de gibier d’élevage dans la nature chaque année ?
Les Commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage, déjà composées en grande majorité par des chasseurs, ont été réunies du jour au lendemain, sans respect des délais de convocation. Etions-nous donc à 4 jours près ?
Fort de ce constat, la LPO et l’ASPAS ont paré au plus pressé en attaquant les 23 arrêtés qui leur ont paru les plus incongrus : Aisne (02),Ardennes (08), Aube (10), Calvados (14), Charente (16), Corrèze (19), Creuse (23), Eure (27), Indre et Loire (37), Loire Atlantique (44), Lot et Garonne (47), Lozère (48), Maine et Loire (49), Marne (51), Mayenne (53), Meurthe et Moselle (54), Nord (59), Haut Rhin (68), Haute Saône (70) Sarthe (72), Seine Maritime (76), Haute Vienne (87), Territoire de Belfort (90).