Dans une série de décisions relatives à des poursuites juridiques engagées contre ses États membres publiée le 3 décembre, la Commission européenne intime à la France, ainsi qu’à l'Espagne, de renforcer la protection de la Tourterelle des bois sur leur territoire. Cette injonction, avec réponse à produire sous deux mois,  fait suite à la plainte déposée par la LPO auprès de la Commission Européenne en avril 2019 concernant la chasse des espèces en mauvais état de conservation, dont la tourterelle des bois, la chasse des espèces migratrices en février (les oies) et les piégeages non sélectifs sous prétexte de tradition, en premier lieu la glu.

L’« avis motivé » de la Commission européenne intervient à la suite d'une lettre de mise en demeure envoyée en juillet 2019, alors que la France et l’Espagne n'ont toujours pas pris les mesures nécessaires pour mettre ces pratiques de chasse et de capture en conformité avec le droit de l'Union. Concrètement, ces Etats auraient dû suspendre toute chasse à la tourterelle des bois tant que ses populations sont en déclin. La Commission, devant ce constat de carence, adresse donc aujourd’hui un avis motivé à la France et à l’Espagne. Notre pays dispose à présent d'un délai de deux mois pour répondre aux préoccupations de la Commission. À défaut, la Commission pourra saisir la Cour de justice de l'UE.

La Tourterelle des bois est inscrite sur les listes rouges mondiale et européenne des oiseaux menacés de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN). Hébergeant 10% de la population reproductrice de l'UE, la France a une responsabilité importante pour la conservation de cette espèce vulnérable. En 40 ans, les effectifs de la population d’Europe occidentale ont diminué de 80% (-50% en France depuis 2019 selon le Suivi Temporel des Oiseaux Communs), essentiellement en raison de l'agriculture intensive et de la chasse. Pourtant, sous la pression des lobbies cynégétiques, le Ministère de l’écologie a, cette année encore, signé un arrêté le 27 août 2020, publié juste avant le week-end d’ouverture de la chasse, et autorisant la destruction de 17 460 Tourterelles des bois au cours de la saison de chasse 2020-2021.

Dès le lendemain, 28 août, la LPO attaquait cet arrêté illégal au Conseil d‘Etat en demandant son annulation mais aussi sa suspension dans l’urgence. Quinze jours après, le Conseil d‘Etat lui donnait gain de cause et suspendait la chasse à la tourterelle des bois. (Cf. Ordonnance du Conseil d‘Etat et CP du 11/09/2020 et CP LPO du 11/09/20

La Commission a donc décidé de durcir le ton et d’envoyer cette fois un avis motivé pour exiger une meilleure protection de cette espèce en danger. La France dispose désormais de deux mois pour répondre, faute de quoi la Cour de justice de l'Union Européenne pourrait être saisie, avec potentiellement de lourdes sanctions financières à la clé.

Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO, se dit à la fois déçu et confiant : « Je suis déçu quand je constate qu’il nous a fallu 35 ans entre 1970 et 2005 pour que le braconnage éhonté des tourterelles dans le Médoc prenne fin. Et à nouveau 15 ans pour qu’enfin la France soit mise au pied du mur alors que l’espèce est à l’agonie. Je suis confiant quand je vois que le lobby cynégétique soutenu par l’Etat et des grands élus tremble enfin sous les coups de boutoir de l’opinion publique, que les plus hautes juridictions françaises nous donnent raison, et que la Commission Européenne vient enfin au secours de cette espèce ».