Nos 3 associations (la LPO, Nature Environnement 17 et SOS rivières et Environnement) ont attaqué devant le Tribunal administratif de Poitiers les deux arrêtés autorisant la construction de 21 réserves de substitution sur le bassin de la Boutonne. Par une décision rendue ce jeudi 4 février, les juges nous ont donné raison.
Le tribunal annule tout d’abord la déclaration d’intérêt général accordée par le Préfet, rappelant que le SYRES17 (auteur de la demande) ne pouvait ni solliciter ni bénéficier d’une telle déclaration pour ces travaux, en raison de la composition de ce syndicat.
Les juges ont ensuite repris nos arguments sur les atteintes à l’environnement : l’insuffisance de l’étude d’impact concernant certaines espèces protégées (Outarde canepetière), définition des impacts trop imprécise, essais de pompages non représentatifs, mais aussi des remplissages trop permissifs avec des seuils de coupure ne permettant pas de protéger la ressource en eau et le milieu naturel « particulièrement sensible », comme le relève le tribunal. Pour toutes ces raisons, le Préfet de Charente-Maritime était tenu de refuser l’autorisation pour ces 21 réserves.
Les juges relèvent également que le projet nécessitait la délivrance d’une dérogation « espèces protégées », suite à la destruction d’habitats de plusieurs espèces présentes sur le site. Le tribunal rappelle en ce sens que la présence de l’Œdicnème criard a par exemple été relevée à proximité immédiate des réserves projetées.
Cette victoire s’inscrit dans le combat que nous menons depuis des années, dénonçant ces énormes volumes d’eau stockés dans de gigantesques réservoirs couvrant parfois la surface de 5 ou 6 terrains de football et de 10m de profondeur, avec un débit de remplissage représentant parfois le 1/3 du débit de la rivière, et ce pendant plusieurs mois.
Il faut abandonner tous ces projets d’un autre temps qui se multiplient dans la région. Nous rappelons que les études devraient être menées en donnant la priorité à la préservation de la ressource en eau et de l’environnement, contrairement aux études actuelles ne répondant qu’à la demande exagérée d’une minorité d’exploitants agricoles qui, même en contrepartie de millions d’euros d’argent public, ne veulent pas changer leurs pratiques.
Dans cette étude, les remplissages étaient autorisés par le préfet jusqu’à l’arrêt de l’écoulement des affluents de la Boutonne, autorisant ainsi la mise à sec d’un cours d’eau en hiver. Comment alors peut-on prétendre que le projet permettra d’améliorer la situation !
Dans le projet ici contesté, tous les irrigants n’étant pas raccordés aux réserves, la moitié d’entre eux pouvait continuer à pomper dans les nappes l’été, alors même que les seuils trop permissifs que nous contestons depuis 30 ans engendreront des kilomètres d’assec tous les étés.
Ces investissements vont au contraire pousser vers toujours plus de production et pour cela toujours plus de produits chimiques et de pollution, à l’inverse de ce que souhaite la société, et alors que l’évolution climatique nous oblige au contraire à réduire nos consommations.
D’autres modèles agricoles sont possibles avec très peu d’eau ou sans irrigation. Il faut que le modèle dominant d’agriculture industrielle se remette en cause : le stockage de l’eau ne devrait être possible qu’à la condition de mettre en œuvre des pratiques plus respectueuses de l’environnement, avec pour priorité la réalisation d’économies d’eau, afin de protéger une agriculture qui nous nourrit sans nous empoisonner, et non pas qui remplisse nos réservoirs de voitures ou les bateaux de marchandises du Grand Port Maritime.