Soutenue par l’expertise juridique de l’association Intérêt à Agir et de celle de Me Sébastien Mabile du cabinet Seattle Avocats,ssigné le 21 mai 2021 devant le Tribunal judiciaire de Lyon les principaux producteurs, importateurs et distributeurs d’imidaclopride (une substance néonicotinoïde très toxique) en France afin de faire reconnaître leur responsabilité dans le déclin des populations d’oiseaux des milieux agricoles.
En juillet 2009[1], un groupe d'entomologistes et d'ornithologues internationaux se réunit à Notre-Dame de Londres (Hérault) pour discuter du déclin progressif des insectes dans toute l’Europe, à l’œuvre depuis les années 1950 et les débuts de l’agriculture intensive. Les scientifiques constataient déjà qu’une dégradation plus prononcée de l’abondance des populations d’insectes s’observait à partir des années 1990, et que celle-ci était concomitante avec l’effondrement de celles de différentes espèces d'oiseaux insectivores fréquentant les milieux agricoles, dont plusieurs espèces protégées (arrêté du 29 octobre 2009) : Bruant jaune, Pipit farlouse, Tarier des prés, Faucon crécerellette, etc.
Aujourd’hui, c’est au minimum 25% de ces populations qui ont disparu et le silence s’installe dans nos campagnes, syndrome alarmant de l’extinction d’espèces perdues pour les générations futures.
La responsabilité des pesticides sur le déclin du vivant est établie
Selon les études, les néonicotinoïdes persistants, systémiques et neurotoxiques, soit la nouvelle génération de pesticides introduits au début des années 1990, sont responsables de ces déclins. Des travaux plus récents démontrent même une corrélation spatiale et temporelle entre la commercialisation massive de l’imidaclopride, notamment aux États-Unis, aux Pays-Bas, et en France, et le déclin des oiseaux en zones rurales, établissant le lien de causalité entre les produits phytosanitaires et les dommages environnementaux.
L'imidaclopride, principalement utilisé en enrobage de semences pour diverses cultures (blés, betteraves, maïs, tournesol), est la substance néonicotinoïde la plus commercialisée en France depuis 1991. C’est à cause de ses effets dévastateurs pour les abeilles, même à des doses infinitésimales, qu’il est qualifié de « tueur d’abeilles ». Mais ses effets ne s’arrêtent pas là car son mode d’action le rend toxique pour de nombreuses autres espèces.
Concernant les oiseaux spécifiquement, l’imidaclopride a des effets directs dus à l’ingestion de graines enrobées de la substance toxique (6 graines suffisent à tuer instantanément une Perdrix grise), et des effets indirects liés à la disparition des invertébrés, aquatiques et terrestres, dont ils se nourrissent[2].
La LPO met les producteurs et diffuseurs devant leurs responsabilités
La LPO sollicite, d’une part, la réparation du préjudice écologique et demande une expertise judiciaire qui permettra de déterminer l’étendue des dommages et les mesures de réparation à mettre à la charge des sociétés productrices (BAYER SAS et NUFARM) et importatrices (FERTICHEM, GRITCHE, AGRI CANIGOU et SAGA) qui distribuent l’imidaclopride en France.
Elle demande d’autre part au Tribunal de faire cesser immédiatement toute commercialisation de produits contenant de l’imidaclopride. Cette demande vise notamment l’adoption de la loi du 14 décembre 2020 « relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières », dont les dispositions permettent de déroger à l’interdiction d’utilisation de l’imidaclopride précédemment inscrite dans la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ainsi que dans le règlement d’exécution du 29 mai 2018 de la Commission Européenne.
Pour Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO : « les néonicotinoïdes symbolisent un modèle agricole productiviste qui a conduit nos paysans dans une impasse économique et fait disparaître les oiseaux de nos campagnes. La dernière victime en date est la Pie-grièche à poitrine rose, qui ne s’est plus reproduite en France cette année. Les responsables de ce désastre doivent rendre des comptes. »
Pour INTERET A AGIR, c’est une première action en protection de la biodiversité. Il s’agit d’ouvrir la voie contentieuse pour une réparation effective des préjudices écologiques causés par la commercialisation massive de néonicotinoïdes, en ce qu’ils ne présentent pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre à l’égard de la biodiversité, patrimoine commun des êtres humains.
Cette action est financée grâce à la cagnotte « STOP AUX PRINTEMPS SILENCIEUX », organisée sur la plateforme HELLOASSO :
https://www.helloasso.com/associations/interet-a-agir/collectes/stop-aux-printemps-silencieux
[1] BIJLEVELD VAN LEXMOND et. al., « Worldwide integrated assessment on systemic pesticides. Global collapse of the entomofauna: exploring the role of systemic insecticides », Environnental Science Pollution, 2014.
[2] GIBBONS et. al., « Examen des effets directs et indirects des néonicotinoïdes et du fipronil sur la faune des vertébrés », Environmental Science Pollution, 2014; MILLOT et. al., « Field evidence of bird poisonings by imidacloprid-treated seeds: a review of incidents reported by the French SAGIR network from 1995 to 2014 », Environmental Science Pollution, 2017.